27 février 2017

24 décembre. (Étude)

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

andrew wyeth

Andrew Wyeth 

 

24 décembre
(Étude)

Imprimés dans la neige fraîche, des reliefs très striés, sans doute, des semelle de bottes sortaient de la forêt. Les traces d'un animal, probablement un chat,  semblaient suivre ce sentier improvisé. Il neigeait. Le ciel était gris, les flocons tourbillonnaient. La chatte noire, qui accompagnait une silhouette grise, celle qui laissait des empreintes, attirait le regard dans ce camaïeux de gris.  Elle ronronnait et se frottait contre les bottes du marcheur.
-Oui, Minette, on n'est pas encore arrivé. 
La cloche de l'église frappa quatre coups. Le jour commençait à ce confondre avec la nuit. Le voyageur passa devant le pensionnat de l'Alice. L'hiver, une vingtaine de jeunes filles venaient de Suisse alémanique pour apprendre le français. On les voyaient parfois se promener dans le village, on les côtoyait tous les dimanches au culte. Une seule fenêtre était éclairée dans la grande bâtisse, en ce vendredi 24 décembre. Le pensionnat était fermé. Les pensionnaires avaient rejoint leur famille, en Suisse centrale ou orientale. Pendant deux semaines, elles renoueront avec leur dialecte, uranais, schwitzois  ou appenzellois. 
-Bonjour Martha
-T'es qui toi?
-Aline, la petite fille d'Adrienne
-Mais, je ne t'avais pas reconnue, avec ce manteau, ces bottes et cette besace.
-j'ai bien chaud.
-Tu n'est pas venue avec l'autobus. Il est pas encore cinq heures.
-je suis montée à pied, depuis Le Landeron
Elle aimait l'endroit juste au-dessus du Landeron, entre les vignes et la forêt. C'est là que viennent mourir les dernières garrigues.  Aujourd'hui, la neige amortissait les sons et donnait au paysage un air vaporeux. Le paysage qui, à la belle saison, permet de voir les trois lacs, ne ne laissait entrevoir qu'un morceau du lac de Bienne et la bande de terre qui fait de l'île Saint-Pierre une presqu'île. Avant la correction des eaux du Jura, c'était une île. Jean-Jacques Rousseau, chassé de partout, y avait trouvé refuge pendant quelques semaine. 

- je dois passer à la poste. Bon Noël, Martha
-Bon Noël, Aline
La poste était en face du café du commerce et d'un magasin où l'on trouvait les denrées principales et les bouteille de gaz. A deux pas de la poste se trouvait une des six fontaine du village; la plus récente, installée pendant la 1ère guerre mondiale. Seule, celle du bas du village avait encore sa fonction originelle, abreuver le bétail. En hiver, quant les vaches restent à l'écurie, on pouvait voir les bovins du Camille boire à la fontaine, soir et matin.
-Salut, Willy, je voudrais des timbres pour ces deux lettres. C'est pour le Canada, par avion.
-Tu es toujours à Lugano?
-Oui.
Dans la besace d'Aline ouverte devant le guichet, on distinguait de petits paquets cadeau et un roman paru en 1903, Le régent de Lignières d'Oscar Huguenin. 
Elle paya les affranchissements discuta quelques instants avec le buraliste et sorti.  Il neigeait de plus belle. Elle était heureuse, elle aimait la neige à Noël. Elle passa à la boulangerie. 
-Bonjour Ilda.
-Eh! Bonjour, bonjour.
-Il y a quelque chose à prendre?
-Oui, c'est préparé. Tu seras là demain soir?
-Oui, bien sur!
Demain soir, à huit heures les cloches du temple sonneront à toute volée pour le culte de Noël. La grand-mère d'Aline tiendra l'orgue, les enfants de l'école du dimanche joueront le mystère de Noël. Les anciens d'églises allumeront les bougies qui orneront un immense sapin dressé près de la chair. Le temple sera plein à craquer. 
Elles pris les paquets et reparti sous la neige. Chaque personne rencontrée retardait son arrivée à la maison. Ce soir, tout le village chuchotera que l'Aline était là pour Noël. Que sa soeur et son frère étaient arrivés par l'autobus de six heures et que...
Elle arriva "aux Broues" en brassant la neige.  La traite des vaches avait commencé.  On entendait le moteur de la machine à traire. Elle entra par la grange. Un corridor mal éclairé donnait accès aux chambres et,au fond, à la cuisine. Elle couru à la cuisine embrasser sa grand-mère, puis gagna sa chambre. Elle ouvrit la fenêtre afin de tirer les volets. Il ne neigeait plus. Le ciel se dégageait. La nuit sera froide. Aline pensa que si le soleil se déciderait demain, le paysage sera magnifique., une vraie journée de Noël. Au loin, on entendit sonner cinq heures. Aline sourit, elle avait mis plus de temps pour traverser le village que pour monter depuis la gare, à travers les vignes et la forêt, et atteindre les premières maisons du village.
Ce soir, comme disait la gramd-mère, on garnira le sapin.
Aline ferma les volets de sa chambre.
  
 

Posté par jeanjacques1957 à 22:15 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
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