Nuit 3/9 - Un printemps au temps du coronavirus - Adriano's bar
La cafetière italienne travaille d'arrache-pied en cette période de fermeture des restaurants et des bars, un virus échappé du monde virtuel se répand dans la vraie vie et sème la terreur. Dans les vapeurs de café, des images de l'Adriano's bar tourbillonnent dans la cuisine.
Florilège ...
03 décembre 2012
La cloche du Zytglogge est frappée neuf fois. Le thermomètre indique une température extérieure de moins dix degrés. Quelques nuages grelottants zèbrent un ciel bleu-gris. L’Adriano’s Bar tourne au ralenti, ambiance des lundis matin. Un air de violon envahit l’espace, il est diffusé depuis le haut-parleur situé au-dessus de la machine à café. La fleuriste, sous les arcades, en face du bar, a écrit sur la grande ardoise réservée d’ordinaire aux offres du jour, que les fleurs frileuses restaient au chaud, dans la boutique, au sous-sol. Aujourd’hui s’ouvre à Dubaï les sessions de l’Union internationale des télécommunications (UIT), qui dureront jusqu’au 13 décembre. Il s’agira de réviser le règlement des télécommunications internationales (RTI). La pression de certains membres, la Russie, la Chine, fait que l’UIT pourrait s’intéresser à la gestion d’Internet : l’adressage pour les noms de domaine, le filtrage, voire la censure. Affaire à suivre de près. Le journal le Temps daté du 3 décembre évoque cette conférence dans sa chronique « Court-circuit ». Plus tard, dans la journée, il neigera sur la Ville fédérale. A la tombée de la nuit, quand la circulation s’intensifie, l’amas des flocons provoquera des bouchons. Plus tard, dans le milieu de la nuit, alors que le mercure remontera dans son tube de verre, la neige se transformera en pluie. À Ostring, le salon de l’appartement des chauves-souris est désert. Le téléviseur est allumé. Sur l’écran, des images aux couleurs délavées racontent l’histoire de Claude et Georges. Une histoire triste et mélancolique. Une histoire d’amour qui sera brisée par la mort précoce de Georges. L’engagement politique de ce dernier contraignit le couple à louvoyer entre protocole et obligations pour continuer à assouvir leur passion pour l’art moderne. Locataires à l’Elysée, ils ont scandalisé le petit monde politique en faisant entrer dans le palais de la Pompadour un décor contemporain. Le film s’achève à Beaubourg, en 2007, Claude, seule, quelques semaines avant sa mort, visite une exposition dans le Centre national d’art et de culture voulu par son mari.
12 novembre 2015
Le brouillard est resté sur le devant de la scène ce jeudi. Une ambiance ouatée, ponctuée d'un arrêt café à l'Adriano's bar. La nuit a fini par dissimuler les longues volutes grises.
Les chats profitent de cette atmosphère fantomatique pour partir en catimini à la chasse. Ils avancent avec circonspection dans un amas de feuilles décédées...! Mortes, elles ont quitté les branches des arbres en faisant une dernière pirouette dans un vent de faible qualité. Il a tellement neigé de feuilles, que les félins avancent avec difficulté. Inquiets de rencontrer une grande citrouille, égarée d’Halloween, ils jettent des regards de feu dans toutes les directions. Sur un balcon, trois musiciens miment Le Trio en mi bémol Majeur pour piano et cordes no 2, D. 929 (op. 100) de Franz Schubert. Les chats, qui détestent Franz, se bouchent les oreilles pour traverser la zone d’ombre musicale. Les félidés ayant quitté les mansardes chauffées et douillettes, les souris dansent. Elles organisent des bals clandestins. On paie en pots de vin pour assister aux ballets roses… Sur le balcon, dans la nuit froide et brumeuse, le trio de musiciens redouble d’ardeur dans le deuxième mouvement qu’ils miment avec tant de gestes qu’ils finissent par s’envoler emportés par la foule en délire. Penauds, les chats de gouttière et autres pedigrees, rentrent bredouille, l’estomac dans les talons. C’est ma voisine, qui m’a conté ces événements anodins juste avant de quitter le domicile conjugal en compagnie de son matou, un grand rouquin.
Berne
Adriano’s bar
12.11.15
15 février 2015
Un dimanche soir à l'Adriano's bar
Après la presse du samedi, le dimanche soir est calme à l'Adriano's bar...
La Gazosa myrtille est une délicieuse limonade élaborée aux Grison, d'une couleur bleu méthylène... Elle noie le spleen de fin de semaine. Demain, reprise du travail.
Les clients, disséminés dans le bar, lisent des tablettes numériques ou des journaux papier en buvant un dernier verre ou un café.
Une musique jazzy sort, avec mollesse, du haut-parleur situé au-dessus de la machine à café.
Dehors, la température approche le zéro degré...
L'hiver poursuit sa route.
20 juillet 2014
Il semble que l'Été, le bel été soit un peu distrait cette année et passe ses journées dissimulées derrière quelques bosquets de rosiers à lire des romans au lieu de se pavaner et d'offrir ses splendeurs estivales. La pluie et les orages s'emparent de la place vacante et les foudres de Vulcain accompagnées de pluies nourries sont notre ordinaire.
Il n'y a plus qu'à se réfugier, jusque tard dans la soirée, à l'Adriano's bar pour se réchauffer d'un doppio Malabar et lire la presse.
Les nouvelles ne sont pas bonnes. L'été 14 ressemble à un autre été 14. En juin 1914, on tirait sur les passagers d'une voiture à Sarajevo, en juillet 2014, on tire sur un Boeing dans le ciel d'Ukraine...
Les deux ventilateurs fixés au plafond du bar sont à l'arrêt. Ces jours, il n'y a pas de chaleur à disperser. La musique qui s'échappe du haut-parleur, situé au-dessus de la machine à café, est du rock pur et dur. Le volume est au maximum, les tympans souffrent.
Le festival du Gurten qui se déroulait sur la montagne éponyme, chère aux Bernois, fêtait cette année ses 30 ans.
La nuit va bientôt envahir la ville verte, il est temps de rentrer...
Berne, le 20.07.14
24 juin 2014
Mardi, à l’Adriano’s Bar, est le jour où le café est torréfié. L’odeur du café rôti embaume les sens. Dehors, le temps est d’humeur maussade. Il pleut par intermittence. Les deux ventilateurs fixés au plafond sont à l’arrêt, faute de chaleur à chasser. La musique diffusée par le haut-parleur situé au-dessus de la machine à café passe dans l’indifférence. Dans les pages économiques de quelques journaux, la bulle immobilière, qui arrive à la crête de la vague en Suisse, à la veille de retomber avec fracas, emportant tout sur son passage, est largement commentée. Inconscients, les clients de l’Adriano’s se concentrent sur la mastication de leur croissant – la bulle plane dans l’anonymat et la discrétion au-dessus de leurs têtes. Le doppio « Candelaria », subtil arabica des hauts plateaux volcaniques du Costa Rica, tiré par le patron en personne, est un délice. Ce soir, au Brésil, quatre matches se dérouleront sur les pelouses qui accueillent la coupe du Monde de balle au pied. Les nuages se sont dissipés : dans la belle nuit d’été, les feux de la St-Jean brilleront.
05 août 2013
Un été de porcelaine - le Bel été
Un point brillant au-dessus de la gare de la capitale, le vol SX0218, file sur Munich.
La place de la gare de Berne, véritable fournaise cuit à point les passants.
Par chance, le bus 10 qui circule en direction d'Ostermundigen est réfrigéré ! En passant devant la place fédérale, au pied de la Curie helvétique, pompeuse pièce montée au goût d'un autre siècle, des enfants en maillots de bain ou nus, nous sommes en pays germaniques, jouent à cache-cache avec les jets d'eau de la place. Insouciants, ils oublient dans leur jeu avec l'eau fraîche, que dans moins d’une semaine ils seront sur les bancs d'école...
La terrasse de l'Adriano's bar accueille quelques aficionados de caféine. À l'intérieur, les deux ventilateurs plafonnier brassent l'air pour une poignées de mouches désœuvrées. Le haut-parleur, situé au-dessus de la machine à café, distille une musique indolente.
Le bus 10 poursuit sa route, à la Roseraie, des touristes chinois s'échapperont du réfrigérateur ambulant pour gagner le jardin de roses...
Plus tard, se sera les beaux soirs d'été...
09 décembre 2012
Dimanche 9 décembre, 2ème dimanche de l'avent. Il est 22heures, l'Adriano's bar ronronne. Je noie ma mélancolie dans un doppio malabar. Des souvenirs estivaux tourbillonnent dans le bar. Ils sont hachés par les ventilateurs et retombent sous forme de neige industrielle.
Le doppio malabar ne soigne pas la crise de mélancolie, la caféine attise les pensées sombres.
Un dragon venu de Chine volette au- dessus des tables attiré par l'odeur du malabar. Il plonge dans la tasse provoquant un tsunami. La vague de café tiède s'éclate sur le vison d'une visionnaire.
Du haut-parleur situé au-dessus de la machine à café Marka chante " nous consommons ce qu'on nous sommes de consommer"!
Il est 22 heures 15, l'Adriano's bar se consume dans la mélancolie et les vapeurs de malabar. Un angelot grelottant bat de l'aile et s'estompe dans les effluves d'un thé vert du Japon.
23 septembre 2012
Le pont du Kirchenfeld est fermé à la circulation le temps des vacances scolaires. Les rails du tram usés par le passage des monstres d’acier doivent être changés. Le service des lignes 7, 8 et 6 est remplacé par des bus, qui circulent dans des rues étroites, subitement devenues bruyantes par le passage d’une circulation qui ne supporte par les contrariétés. L’Adriano’s est un havre de paix, les trams ne font plus trembles les banquettes. Le brouillard se lève lentement. Tout à l’heure, l’avion d’Helvetic avait enclenché ses phares anticollisions pour se poser à Belp-Berne. Les habitués de l’Adriano’s Bar lisent la presse dominicale. La NZZ am Sonntag livre un article sur les animaux sauvages qui envahissent les villes. Une photographie montre un coyote avachi sur le siège d’un wagon de métro à Chicago. Incapable de présenter un titre de transport valable lors d’un contrôle inopiné, il sera renvoyé dans ses campagnes ! Le Temps daté de samedi rend hommage à Henri Bauchau, l’auteur de l’Enfant bleu, qui meurt à l’aube de ses 100 ans. Le haut-parleur situé au-dessus de la machine à café diffuse des chansons de Paolo Conte. La musique jazzy évoque la teinte automnale qui développe ses miasmes sur la ville fédérale.
L’Été, le bel été est déjà oublié. Une poignée de rêveurs prolongent son existence par quelques artifices de théâtre. Les tenues estivales ont été jetées en pâture aux mites et les élégantes s’affichent dans des robes mi-saison déclinées dans des camaïeux de brun. La piscine en plein air de Wyler fermera ses portes en fin d’après-midi jusqu’au 27 avril 2013. La journée, belle et chaude, est prétexte à une dernière brasse dans l’eau à 19 degrés, en compagnie des fidèles du bassin de 50 mètres. Ce soir, les chancelleries cantonales commenteront les résultats du scrutin de cette fin de semaine. Au plan fédéral, le peuple se prononçait sur la fumée en extérieur, la musique pour les jeunes et la taxation des vieux. Chaque canton avait ensuite des propositions à soumettre, de même que les communes. On pourra continuer à fumer de manière passive, les vieux se serreront la ceinture mais les jeunes seront encouragés à faire de la musique, tel est le verdict des urnes.
Adriano’s Bar, 23 septembre 2012
28 juillet 2012
Été urbain - Ich bin ein Berliner
Samedi, à deux heures et quart de l’après-midi, l’Adriano’s Bar ressemble à une ruche. Serveurs et serveuses s’activent derrière le bar. Les ventilateurs brassent l’air avec vigueur. Dans l’indifférence, de la musique classique s’échappe du haut-parleur situé au-dessus de la machine à café. Le ciel est tantôt riant, tantôt triste. Les clients s’entassent sur la terrasse installée sous les arcades.
A Londres, le sport est roi. Les Jeux olympiques envahissent les écrans cathodiques, remplissent les pages sportives des magazines, s’invitent dans les conversations radiophoniques, squattent les unes des journaux populaires friands d’historiettes croustillantes. Les cinq anneaux olympiques s’affichent dans le monde entier.
A l’Adriano’s Bar, loin des écrans et des rumeurs sportives, dans un petit îlot baigné de musique intemporelle, on boit des expressos coulés sur de la glace pilée ; c’est une boisson très rafraîchissante.
Dans la presse du samedi, Le Temps évoque le mythique « Ich bin ein Berliner » lancé par J. F. Kennedy le 26 juin 1963. L’Eté, le bel été, à petite vitesse, voyage vers les rives automnales.