Un automne masqué - Nuit 4/16 - La larme
Devoir de Lakevio du Goût N°59
Le Goût ICI dit :
Qu’arrive-t-il à cet homme ?
Que subit-il pour être aussi triste ?
Que vous raconte cette toile d’Arielle Lange.
J’espère que nous en saurons plus lundi.
Lundi 29 novembre. Le brouillard au-dessus de la Ville fédérale fait comme un couvercle. Depuis des jours, le soleil ne perce pas la couche de gris. Les bars sont fermés, le monde de la nuit est à l’arrêt, les musées, cinémas et théâtres sont déserts. A partir de ce soir, les restaurants fermeront à 21 heures. Le Zibelemärit, le fameux marché aux oignons qui devait se tenir ce lundi et attirer des foules de toute la Suisse s’est tenu en catimini, réparti sur plusieurs jours et disséminé dans la vieille ville. Pas de confetti, pas d’attroupement, pas de carrousels. Le 11 du 11 à 11h11, à Bärenplatz, trois personnes masquées et masquées, ont tenu à respecter la tradition de l’ouverture du carnaval. Un carnaval qui n’aura pas lieu. Pour paraphraser la dame à la voix synthétique, qui annonce le motif d’un retard dans un Inter City reliant Genève à Zurich, « un coronavirus en est la cause ! »
Dans cette grisaille ambiante, Line, chaudement vêtue, se hâte de rentrer chez elle. En passant devant les fenêtres de la cuisine du rez-de-chaussée, elle s’arrête et éclate de rire en voyant œuvrer le cuisinier. C’est Luigi.
Line ajuste son masque chirurgical et entre dans la cuisine. Elle reste sur le pas de porte.
- Salut Luigi. Pourquoi tu as une cuillère dans la bouche ?
Le cuisinier à le dos tourné. Il grommelle une réponse que Line ne comprend pas. Le bruit du couteau qui coupe finement des légumes sur une planche en bois a des airs jazzy.
- J’ai vu dans un épisode du journal filmé de Marie Roland, un gars qui faisait ça en coupant des oignons. Il dit que les particules se concentrent dans le creux de la cuillère. Un moyen pour éviter de pleurer.
- Et ça fonctionne ce truc, demanda Line hilare ?
- Sur lui, oui dit Luigi en se retournant.
Une larme coule le long de sa joue !
P.-S. Ce texte se lit en noir et blanc, grisaille oblige, et en buvant un espresso.
L'épisode du journal filmé de Marie Roland c'est ICI