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Rêveries
23 décembre 2022

Les mois d'hiver - Charles



Une charogne

Charles Baudelaire

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s’élançait en pétillant
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

Commentaires
E
Ô Georges Chelon puis Léo Ferré chantant ou lisant rapidement les vers hétérométriques de Charles Baudelaire -l'alexandrin et l'octosyllabe sont très intéressants- ... l'auteur, qui, par le choc des mots et des oppositions dresse un tableau quelque peu chaotique, mêle le beau au moche, la sensualité à la mort, tout en idéalisant un autre monde... <br /> <br /> Baudelaire était très fort pour réaliser ce genre de (dé)recomposition, ses poèmes lus et relus donnent à réfléchir, méditer sur l'Art Poétique employé dans Ses Fleurs du Mal ... Son Spleen ... on passerait des heures à comprendre, reprendre ce qu'il exprime, ôte, (ré)invente sur la beauté, la misère, la grandeur de l'homme, le mal, etc.<br /> <br /> <br /> <br /> J'aime beaucoup Sa conclusion du poème sur Ses amours !<br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, j'aime beaucoup pour cette période étoilée de Noël, <br /> <br /> Son ... "serpent qui danse", magnifique déclaration d'amour érotico-lyrique à la Femme aimée, Jeanne, et Sa chute : <br /> <br /> <br /> <br /> "Je crois boire un vin de bohême,<br /> <br /> Amer et vainqueur,<br /> <br /> Un ciel liquide qui parsème<br /> <br /> D’étoiles mon cœur !"<br /> <br /> <br /> <br /> Que d'ivresse, que de belles métaphores dans ce poème !<br /> <br /> <br /> <br /> Belle journée et merci d'avoir offert de "revisiter" ce grand poète !
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- Mais... c'est l'intervention de cette grosse femme... C'est un ptit peu... enfin... ça va très loin.
- C'est là que je me rends compte que malheureusement, je vous ai beaucoup moins bien réussi que le porc.

Pierre et Thérèse.
Le père Noël est une ordure 

 

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