Un été au pied des Alpes - Embrasse-moi
La belle lumière du matin, un dimanche
Lignières, le jardin
C’était dans un quartier de la ville Lumière
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver
Elle était dans l’escalier
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
C’était la nuit
Ça sentait le soufre
Car on avait tué des punaises dans l’après-midi
Et elle lui disait
Ici il fait noir
Il n’y a pas d’air
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver
Le soleil du bon Dieu ne brill’ pas de notr’ côté
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers
Serre-moi dans tes bras
Embrasse-moi
Embrasse-moi longtemps
Embrasse-moi
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Ici on crèv’ de tout
De chaud de froid
On gèle on étouffe
On n’a pas d’air
Si tu cessais de m’embrasser
Il me semble que j’mourrais étouffée
T’as quinze ans j’ai quinze ans
À nous deux on a trente
A trente ans on n’est plus des enfants
On a bien l’âge de travailler
On a bien celui de s’embrasser
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Embrasse-moi !
Poème de Jacques Prévert
Extrait de « Histoires et d’autres histoires »
En été 1933, Prévert voyage en Tchécoslovaquie dans le Tatras. Il y écrit « Embrasse-moi » et « La Pêche à la baleine »