Avant hier, c'était la pleine lune, une lune pleine de lunes La photographie montre la lune ce jeudi soir, peu avant 20 heures, vue depuis le petit village dans les montagnes.
Les projets de randonnées automnales se sont rétrécis comme peau de chagrin. Il n'y a eu qu'une randonnée. Elle a eu lieu le 22 septembre 2022. Il reste des souvenirs et un vidéogramme de mon cru :
Habkern - Alp Lombach par le Grüenebergpass Filmé le 22 septembre 2022 Images, montage, réalisation Jeanjacques666
La consigne : Évidemment, cette toile de Thierry Duval me rappelle quelque chose. Mais à vous ? Rappelle-t-elle quelque chose qui commencerait par « La joie venait toujours après la peine ». Et si en plus votre récit se clôt sur « Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! » ce sera parfait. À vous de jouer ! À lundi.
Le décor de l'histoire qui va suivre est inspiré d'une toile d'Edward Hopper. Toile proposée pour le 140e devoir de Lakevio de Goût.
LA MAISON VIDE
« La joie venait toujours après la peine », la voix d’Appolinaire sortait de deux écouteurs antiques datant des année 1940. Ils étaient branchés sur un petit poste à galène. Guillaume dit un de ses poèmes, il parle dans un pavillon et ses vers sont gravés dans les sillons d’un disque phonographique couvert de gomme-laque noire, qui tourne à environ 78 tours par minute. Le poème parle d’un pont, de la Seine qui coule sous des amours, de Marie Laurencin, d’Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau. La maison est vide, silencieuse ; seule la voix du poète comme venue d’outre-tombe se dilue dans l’espace. Un trou dans l’un des sillons empêche l’aiguille du gramophone d’avancer, elle est rejetée sans cesse et « La joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine » se duplique à l’infini. La maison, dessinée par un architecte avant-gardiste, composée d’un seul niveau, construite sur un promontoire à quelques mètres au-dessus des eaux méditerranéennes, offre au regard, depuis le vestibule, une vue sur l’ensemble des pièces agencées en enfilade. Le toit plat de cette maison, rectangle de béton, aménagé en terrasse, accessible depuis l’extérieur par un escalier à vis, théâtre de folles réceptions, désert depuis des décennies, muré dans un silence juste bercé par le clapotis des vagues, se désagrége lentement par une conjugaison des embruns salins et des pluies d’automne. Cette maison ressemble à celle que l’on voit dans le film « Le mépris » mais sans Brigitte, sans Michel ni Jean-Luc, l’ombre de Fritz Lang ou de celle de Jack Palance sont absentes et pas une trace de paparazzis qui traqueraient le moindre fait et geste de cette maison fantôme. Personne non plus pour remettre à l’ordre le gramophone, « La joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine » La lune a rassemblé ses quartiers, pleine, elle jette ses lueurs blafardes sur la mer, les rochers rouges et le béton de la maison. Il est presque une heure du matin. La clarté lunaire entre par de larges baies vitrées donnant sur la mer. Clarté qui meurt sur le sol des pièces, où alternent le parquet, le sol en béton peint en couleur vive ou un sol en plancher recouvert d’un épais tapis. L’épaisseur du tapis amorti « le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés » qui traversent la ville. Depuis le vestibule, on distingue dans la pièce voisine l’amorce d’un tableau. Cette pièce est meublée d’une crédence et d’un canapé tapissé d’une étoffe rouge carmin. Le tableau qui orne cette pièce, peint par Thierry Duval, est accroché à l’endroit. « New York City 1 » réalisé en 1941, par le peintre néerlandais abstrait Piet Mondrian, est accroché à l’envers depuis septante-sept ans. Le tableau de Duval que survolent des mouettes est un morceau de Paris. On voit des ponts, la Seine dans laquelle se diluent des amours, le Louvre, on n’y voit pas de voitures hippomobiles, mais de bruyantes berlines à pot catalytique. Il n’est pas encore une heure du matin et le bruit empêche la concentration. Concentration requise pour écrire un poème, « La joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine ». La porte vitrée du vestibule est ouverte. Un escalier taillé dans la roche, perpendiculaire à la maison, descend jusqu’à la mer. Des serviettes de bain, décolorées par le soleil, abimées par le vent, attendent depuis longtemps le retour d’un, deux, des, nul ne le sait, baigneurs. Un indice, une voix, « La joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine, la joie venait toujours après la peine » Un autre indice, dans la cuisine, la planche à pain sur laquelle sont gravés ces mots :« Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! »
C’est un document radiophonique exceptionnel, enregistré entre 1911 et 1914. Le son, certes lointain, donne à entendre la voix de Guillaume Apollinaire lui-même lisant "Le Pont Mirabeau".
Après un lundi pluvieux, un va et vient de bandes de brume, le ciel était pur ce matin. L’arrière-automne bien installé attend de pied ferme, ce que certains appellent le Général Hiver, les premières chutes de neige. Aujourd’hui, voyage jusqu’à la Ville fédérale. C’est jour de marché à Berne. J’ai trouvé les dernières tomates de pleine terre. Un doppio au Versa, un clin d’œil à une girafe qui fait le pied de grue sur les marches du « Stadttheater », en rentrant au village, trouvé devant la porte de l’immeuble, immeuble ultra moderne déguisé en chalet, 25 kilos de pommes de terre, une initiative de la commune, pommes de terre vendues à moins d’un franc le kilo. Il y aura des frites à gogo cet hiver et un dos en compote. Transbahuter 25 kilos de tubercules jusqu’à la cave…
07h20, le petit village dans les montagnes est encore plongé dans la pénombre. Il faudra attendre dix heures passées pour que le soleil, sorti comme le diable d'une boîte, éclaire le village. Cela se produira pratiquement à l'heure de mon arrivée dans le village des vacances de mon enfance. Un croissant de lune fera l'affaire pour le petit-déjeuner d'un rapace, un faucon, emblème de la commune, qui décrit des cercles affamés au-dessus des chalets. À défaut de rat des champs cette viennoiserie, même pas une lune entière, maigre pitance, calmera la famine de l'oiseau de proie...
Le 15 septembre, j'ai fait une brève croisière sur le lac de Neuchâtel, à bord du bateau à vapeur "Neuchâtel", dans un décor étonnant. Voici le vidéogramme.
Promenade - En vapeur sur le lac de Neuchâtel Neuchâtel - Cudrefin - Portalban - Neuchâtel Il automne Filmé le 15 septembre 2022 Musique : Stiller Has - Aare Images, montage, réalisation Jeanjacques666
Aujourd'hui, on ne voit pas l'Augsmatthorn (2136m). Il est enveloppé d'une fine couche de brume. Hier, surprise, des flocons tombés pendant la nuit ont décoré ses flans d’une mince couche de neige qui disparaîtra en fin de journée.
Hier Aujourd'hui
L'unique magasin du petit village dans les montagnes, d'une surface modeste, minuscule au regard des géants plantés à l’orée des villes, fait office de boulangerie, pâtisserie, fromagerie, dépanneur, tea-room et agence postale. La quintessence des centres commerciaux qui pullulent dans les rumeurs de la ville. Parfois trône, parmi les pâtisseries, la spécialité de ce drugstore « l’Augsmatthorn ». Je me souviens qu’à Paris, dans un coin des Champs-Élysées, au mitan des années septante, s’était ouvert un des premiers drugstores de France. Il était ouvert toute la nuit ou du moins jusqu’à pas d’heure. J’étais allée tester tard le soir, émerveillé. J’avais envoyé une foule de cartes postales, dans mon pays, pour raconter ce fait incroyable, faire des courses à minuit. Chez nous les magasins avaient portes closes entre 12 et 14 heures, le mercredi après-midi, le samedi à partir de 17 heures et le dimanche toute la journée. Tout a changé depuis !
« l’Augsmatthorn » est une pâtisserie à la gloire du sommet qui veille sur le village. Le visuel, comme disent les cuisiniers auréolés d’étoiles, est sympathique. Je vais délibérément oublier de raconter la dégustation…
- Mais... c'est l'intervention de cette grosse femme... C'est un ptit peu... enfin... ça va très loin.
- C'est là que je me rends compte que malheureusement, je vous ai beaucoup moins bien réussi que le porc.
Pierre et Thérèse.
Le père Noël est une ordure