Un été au pied des Alpes - Encore un beau dimanche
Dimanche 9 juillet 1933
Brève averse au matin, puis belle matinée rafraîchie. Je monte vers V[ucherens] à 10 heures et cause avec Élie sur le banc de La Gottaz. Retour sans avoir vu Olivier.
Après-midi : Vaine recherche de belles musiques. Discours radicaux-socialistes (drôles et stupides) à Arc-Vaucluse, où Daladier prend la parole. (M'expliquer un jour sur ma haine de l'oratoire - raison ou instinct ?) Goûter à 4 heures puis, vers 6 heures, départ pour V[ucherens] où je reste à La Gottaz jusqu'à 8 h et ½ ! Olivier rafraîchi, rajeuni par le sommeil, si beau que je me désespère de ne pouvoir m'emparer je ne sais comment, de son apparence, de la soustraire au temps. Nous aiguisons un couteau de faucheuse - puis, longue causerie sur le banc.
Au retour Madeleine avec Juliette] et M[arguerite].
Tranquille fin de soirée.
Gustave Roud
Journal 1916 - 1976
Œuvres complètes Volume 3
Éditions Zoé, octobre 2022
Croisière de Thoune à Interlaken sur le lac de Thoune. Escale à Faulensee, le temps de déguster des glaces devant un décor superbe. C'est à bord du bateau à vapeur « Blümlisalp » que c’est déroulée la première partie du voyage pour se poursuivre à bord d’un bateau plus moderne le « Bubenberg ».
Le Niesen
Un berger blanc suisse sur le pont
Le Berger Blanc Suisse est un chien qui s’attache énormément à ses maîtres. Très doux, de nature curieuse, il peut être très attentif aux activités de bricolage et de jardinage comme il aime expérimenter de nouveaux jeux. Très intelligent, l’agressivité ne fait pas partie de son caractère, ce qui en fait un très bon animal de compagnie pour les jeunes enfants. Son unique point faible est qu’il supporte mal la solitude. Il lui faut donc beaucoup d’affection et de présence humaine. Il peut aussi faire un bon chien de garde.
Sur la terrasse du restaurant Seeblick
Encore un beau dimanche
Un été au pied des Alpes - Journal
Jeudi 8 juin 1933
Journée transparente, pure et chaude, mais fraîchie pourtant par une bise infatigable.
Matin dans le verger de Lucien : correspondance. Causeries avec Lucien, sa femme, sa mère.
Olivier remonte de Moudon vers 10 heures et pendant que je lui crie bonjour, sa femme et son beau-père endimanchés à la hâte surviennent et le remmènent avec eux en hâte vers Moudon où des marchands machinent contre eux quelque chose.
L'après-midi : un électricien m'emmène voir des poteaux à déplacer - sur nos terres.
Commandes de graines.
Le soir, je repars vers V[ucherens]. Olivier fauche, je désandagne* jusqu'au soleil couché. Fin du jour d'une beauté inouïe, les chevaux, Olivier, l'herbe même, cuivrés et dorés richement par la lumière déclinante.
(L'après-midi, enterrement de la petite Laeser - Mon éloignement astronomique de tous ces hommes, du pasteur plus encore. Pas la moindre émotion : ces instants de sécheresse me consternent)
Gustave Roud
Journal 1916 - 1976
Œuvres complètes Volume 3
Éditions Zoé, octobre 2022
*Défaire (les andins) à la fourche, au râteau (DSR, Dictionnaire suisse romand, particularités lexicales du français contemporain, éd. André Thibault, Carouge-Genève, Zoé, 2012)
Le temps des fleurs - La lune gibbeuse
Le livreur de livres
Au cœur de la nuit, la ville est sillonnée par d’étranges attelages ; des vélocipèdes chevauchés par des pédaleurs harassés de fatigue s’insinuent jusqu’au tréfonds des ruelles les plus sordides. Pour résister aux températures polaires, les cyclistes sont chaudement vêtus, seuls les yeux dépassent, yeux jeunes ou vieux, bleus ou vairons, masculins ou féminins. Ces arpenteurs du tarmacadam ressemblent à des tortues avec leurs énormes sacs accrochés à leur dos, sacs colorés avec le dessin d’entreprises diverses et variées. Des entreprises qui ont pignon sur la toile virtuelle. Elles proposent des articles allant du plat cuisiné asiatique ou mexicain à la babiole de foire en passant par le sex-toy emballé dans un pli discret et sécurisé. Les commandes se règlent en cryptomonnaie, unité monétaire en usage sur Internet, et parviennent aux destinataires en moins d’une journée. Le contrat qui lie le vendeur et l’acheteur, contrat que peu d’acquéreurs lisent avant d’en accepter les clauses, informe, à l’article 244bis, que le mode de transmission des commandes est exempt de pollution exceptées quelques gouttes de sueur qui parfois perlent sur l’emballage des envois et stipule que les livreurs ne commenteront en aucun cas les modalités de leur propre contrat les liant à leur employeur.
Je fais partie de cette masse de gens qui accepte les conditions générales les plus rocambolesques sans sourciller, qui n’hésite pas à commander à deux heures du matin, sans que ma morale ne frisonne, les textes d’une Pléiade d’auteurs, qui me seront livrés dans l’heure.
La pendule indique deux heures et demie, le thermomètre extérieur marque -7 degrés celui de ma chambre 18 degrés. Impatient, je fais les cent pas dans un minuscule espace. La chambre est encombrée de livres. Dans une demi-heure, la sonnette retentira et je pourrai ouvrir le carton contenant ma commande de livres. Des livres !
Je suis en transe, des frissons parcourent mon corps, mon cerveau est en ébullition, des livres vont arriver. Mon esprit torturé par des scénarios dignes de films catastrophes de série B, m’empêche d’attendre avec sérénité l’instant où je toucherai les ouvrages. Le village où je loge est plongé dans la nuit à partir de minuit. Trouvera-t-on ma demeure ?
Dans la nuit glaciale, le livreur s’arc-boute sur sa machine, avec lenteur il grignote la route séparant le point de livraison du point de vente ; 300 m de dénivellation, quatre lacets, six kilomètres sont le défi qui attend le cycliste-livreur. « Et pour quelques dollars de plus » Il a choisi de travailler la nuit.
L’asphalte se couvre de cristaux de glace invisibles à l’œil nu. La roue avant du vélocipède mord la glace, ruinant les efforts du livreur. L’attelage verse sur la patinoire. Un nuage se retire, une lune gibbeuse contemple le désastre. En s’écrasant sur la route le sac du livreur s’est rompu, les romans imprimés sur papier bible gisent sur le sol. Des traces de pneu ornent les pages imprimées ; pour éviter un amas de chair et de ferraille, un automobiliste noctambule rentrant d’une fête s’est déporté sur la gauche, imprimant sa police d’écriture sur les pages éparpillées, Ford Galaxie.
Quelque part une chouette hulule.
Le petit village dans les montagnes aux alentours de 17h20
La lune gibbeuse
Les mois d'hiver - Le catalogue des nouveautés littéraires
Après les carnets d'Yasujiro Ozu (ICI), l'arrivée des carnets de Bergman dans le petit village dans les montagnes. Les carnet d'Ozu et ceux de Bergman sont édités chez Carlotta, un très beau travail.
Recueil de poémes :
Des essais sur la folie du monde :
Essai sur la littérature des années 1920 et ouvrage de géographie :
L'été de tous les dangers - Lire à haute voix René Char
FASTES
L'été chantait sur son roc préféré quand tu m'es
apparue, l'été chantait à l'écart de nous qui étions
silence, sympathie, liberté triste, mer plus encore que la
mer dont la longue pelle bleue s'amusait à nos pieds.
L'été chantait et ton cœur nageait loin de lui. Je baisais
ton courage, entendais ton désarroi. Route par l'absolu
des vagues vers ces hauts pics d'écume où croisent des
vertus meurtrières pour les mains qui portent nos maisons.
Nous n'étions pas crédules. Nous étions entourés.
Les ans passèrent. Les orages moururent. Le monde
s'en alla. J'avais mal de sentir que ton cœur justement
ne m'apercevait plus. Je t'aimais. En mon absence de
visage et mon vide de bonheur. Je t'aimais, changeant
en tout, fidèle à toi.
LA FONTAINE NARRATIVE (1947)
René Char
L'été de tous les dangers - Un endroit idéal pour lire la Nouvelle Héloïse, le roman qui donne du travail aux facteurs
Nuit 7/9 - 4h et 50 mns de car postal, de train, de funiculaire, de trolleybus aller retour pour chercher ma commande de livres
Un message s'est allumé sur l'écran de mon téléphonne; ma commande de livres est disponible.
J'ai parcouru 230 km aller et retour pour chercher le butin, dans une librairie située Place Purry à Neuchâtel.
Photographie : Neuchâtel aux alentours de 13h00
À flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas.
À flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. À l’époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d’une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l’auréole de clarté serait le parfum, elle s’en va, le dos au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole.
L’espadrille foulant l’herbe, cédez-lui le pas du chemin. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l’humidité de la Nuit ?Et il y a ce superbe portrait ICI