
Photo : Le givre sur les vitres de la Maison des delphiniums.
La température est restée négative toute la journée dans l'ensemble de la Suisse.
C'est la fin des vacances, deux semaines de repos s'achèvent dans l'effroi de l'avenir.
Que serons-nous dans six mois?
06H00 -18°, la Maison des delphiniums grelotte. La plupart des volets sont tirés et les rideaux de fer baissés afin que les courants d’air ne puissent pas pénétrés dans la cage d’escalier. L’air est très sec dans la maison. Les parquets craquent. Il semble que le fantôme de Flora arpente les pièces.
06H15 -18°, à l’arrêt du tram 9 de Schönegg quatre personnes figées par le froid attendent l’arrivée du serpent d’acier. Quelques voitures fumantes passent dans la rue voisine.
06H17 -18°, dans la chaleur du ventre d’acier du serpent rouge, les voyageurs s’ébrouent comme ressuscités et manipulent leur I-truc à écran tactile.
06H34 -18°, le train à destination de Genève s’ébranle. De rares consommateurs peuplent le wagon restaurant situé au milieu du train, au premier étage. La serveuse annonce au moyen d’un mégaphone qu’il n’y a ni pain ni croissants, que le petit déjeuner est rayé de la carte. On se croirait dans un restaurant de Bucarest au début des années 1990.
08H30 -9°, le train entre en gare avec plusieurs minutes de retard.
La Bise, folle à lier, court dans tous les sens.
La neige tombée en début de semaine sur la cité de Calvin est fixée pour longtemps par le froid polaire. Genève grelotte.
09H05 -8,5°, Gaillard somnole. Les douaniers ont déserté leur guérite. La pharmacienne, femme accorte est chaudement habillée. Promptement elle emballe les médicaments commandés, le client paie avant de disparaître dans le froid.
Le tram 12 fonce de Moillesulaz à la place Bel-Air. Le marché du samedi à Rive est désert ou presque. Deux ou trois maraîchers ont bravé le froid pour quelques chalands.
La bise passe par le nouveau pont de l’Ile. A l’arrêt de bus il faut courir derrière l’autocar qui s’arrête très loin de l’abri !!!
09H45 -9°, l’Inter City 721 à destination de Saint Gall démarre. Le wagon est bien chauffé.
A Berne, le client de la pharmacie gagne le wagon restaurant où le rejoigne une mère et son fils. Le train arrive à la gare centrale de Zurich avec 11 minutes de retard.
Vers 14 heures par une température de -9° le client de la pharmacie constate qu’il a oublié, sous la table du wagon restaurant, le sac noir contenant les médicaments. Le sac contenait également deux boîtes de turron et un roman de Gary publié aux éditions Gallimard : Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable.
A 15H30, le client de la pharmacie, la mère et le fils rentrent à Berne. Sous la table du wagon restaurant ils retrouvent le sac contenant les médicaments. C’est un cas de figure bien incertain qui se concrétise. De Zurich le train est parti pour Saint Gall avant de repartir pour Genève. Durant ces trajets, personne n’a remarqué la sacoche sous la table…
Vers minuit, à la maison des Delphiniums, du givre se forme sur les vitres du salon télé. On se croirait plongé dans un conte…
Dehors il fait -18°
Adriano's bar, la buée sur les vitres permet de faire de petits dessins sur le carreau. Le thermomètre extérieur, marque 19,4 degrés fahrenheit. Les passants sont emmitouflés, chapeautés et gantés. La température va chuter encore ce soir. Le courant d’air froid qui voyage depuis la Russie se glisse sous les nuages et forme du givre qui tombe en fine poussière glacée sur la ville verte*
Berne, Adriano’s bar
Midi moins le quart
Le 2 février 2012
C’est la Chandeleur jour des crêpes. A la Chandeleur, l’hiver se meurt ou reprend vigueur.
*Berne
De passage à Genève...
La neige paralyse les trams. A Genève, trois flocons de neige et c'est la pagaille!!!
En y ayant vécu 35 ans, je connais la musique.

Des lambeaux de neige sur les champs, un corbeau sur la branche nue d’un cerisier, une couche de nuages imperméable se révèlent sur le papier argentique dans la chambre noire d’un photographe. Après avoir passé dans le bain qui fixe les dégradés de noir et blanc, la photographie est accrochée sur un fil au moyen de pinces à linge en bois. Lentement elle sèche. Exposée, récompensée, imprimée dans un livre, la photo du paysage d’hiver sera achetée au marché aux puces des années après son impression. Elle sera suspendue dans le salon télé de la Maison des delphinium.
Midi, à l'Adrianos la machine à café est sous pression. Les clients avalent des doppi accompagnés de croissants ou de sandwiches. Les quotidiens valsent d’une table à l’autre distillant une actualité morose. Dans les pages culturelles, Léonard Cohen et Juliette Gréco ont des articles pour la sortie de leur galette respective.
« Suzanne takes you down to her place near the river »
Treize heures trente, la Ville des ambassadeurs fait la sieste sous un édredon nuageux. Les 47e journées de Soleure s’achevaient hier. Le soleil tente une percée, les nuages résistent. Le Jura, au loin est blanc.
Dix-sept heures, retour à Berne. La piscine de Wyler est agitée par les baigneurs. Près du plongeoir, une serviette de bain, une serviette de bain verte avec des coccinelles imprimées sur le tissus, oubliée il y a quelques jours retrouve son propriétaire. Les bêtes à Bon Dieu qui batifolaient sur le plongeoir ont repris place instantanément sur la serviette de bain verte.
Dix-neuf heures, les coccinelles sont de retour dans la Maison des delphiniums. Il neige…
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Judy Collins & Leonard Cohen - "Suzanne"
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Au sujet des journées de Soleure:
Les journées de Soleure ont célébré hier leur cérémonie de clôture. L’heure est donc venue de faire un petit retour sur ce qu’a présenté cette riche édition 2012.
Palmarès
Cœur battant du festival, la section « Panorama Suisse » a présenté un choix de films de tous genres et de toutes durées qui amenèrent à Soleure plus de 55'000 spectateurs (un record). Certains d’entre eux étaient en compétition pour le « Prix de Soleure » car ils se distinguaient par un thème « traitant de l’homme et de questions touchant à la vie en société ». Sous ce slogan (des plus vagues), ce sont donc huit films (documentaires et fictions) relativement engagés qui ont concouru à un prix qu’a remporté, logiquement, le poignant « Vol spécial » de Fernand Melgar (dont vous trouverez notre critique ici) . Le « Prix du Public », quant à lui, est revenu au merveilleux « Die Wiesenberger », portait émouvant d’un groupe de montagnards suisses-allemands qui, entre tradition et show-business, essaient de conserver l’authenticité de leur yodel.
La rédaction de cinéma.ch, elle, aura aussi remarqué – entre autres – un documentaire au regard extrêmement intelligent et sans pathos sur l’intégration de Tziganes dans une petite ville de Roumanie : « Scoala Noastra » de Miruna Coca Cozma et Mona Nicoara ; le fort sombre portrait dressé de la société campagnarde suisse dans « Verdingbub » de Markus Imboden ; et « Giochi d’estate » de Rolando Colla, sur lequel nous parions pour le quartz 2012 du meilleur film suisse !
Cinéma ?
Le cycle « Au-delà du cinéma » mettait lui à l’affiche dix films qui questionnent les frontières du cinéma classique. Quelles sont les nouvelles formes de réalisation que permettent les technologies actuellement disponibles ? A l’ère du « Do It Yourself », il était temps de donner une vraie place à ce type de productions souvent hybrides et profondément originales qui ont constitués certains des plus beaux moments de la semaine (ainsi « People I Could Have Been and Maybe Am », de Boris Gerrets).
Autour des films
Mais au-delà de la projection de films, il est important de noter que les Journées de Soleure sont aussi un rendez-vous incontournable pour la profession. Ainsi, toute une série de discussions ouvertes au public ont eu lieu lors de ces journées 2012. Par exemple, une réflexion sur « comment lire un scénario » en la présence de la réalisatrice Anna Luif qui présentait à cette occasion son propre travail d’écriture ; ou un débat sur les frontières entre fiction et documentaire animé, entre autres, par Jean Perret (responsable du Département cinéma à la HEAD-Genève) et François Bovier (professeur à l’université de Lausanne).
Tout un programme passionnant qui aura permis au nombreux public de circuler librement entre films les plus divers et les conférences, afin de se faire une image nouvelle d’un cinéma suisse en pleine ébullition !
Seul regret : de nombreuses œuvres en allemand ou en suisse allemand n’étaient pas sous-titrées, ce qui n’est pas particulièrement encourageant quant à la communication entre cinéastes et cinéphiles dans notre pays…
Notes griffonnées à la hâte sur les pages virtuelles d'un calepin électronique.
Il pleut sur la capitale helvétique. À la gare, une foule de jeunes se pressent chez le dépanneur. Dans une minute il frappera dix coups à l'église du Saint Esprit; dix heures du soir marque la fin de la vente d'alcool.
Les cafés et les bars sont plein, devant les établissements les fumeurs devisent.
Au Cesary la techno à fond les manettes caresse les oreilles!!!
Un prosecco fait des bulles dans une coupe.
Dehors, la pluie continue de tomber sur le tarmacadam.
C'est la mi-vacances...
Berne, Cesary
Vendredi 27 janvier 2012
Pour échapper au brouillard, la peuf comme on dit parfois dans nos régions, il a fallu courir pour ne pas manquer le tram, folle course dans la pente de la colline qui abrite la Maison des delphiniums jusqu’à l’arrêt du tram 9.
Assis à l’arrière du serpent d’acier, soit on regarde défiler le décor soit on allume l’écran numérique de sa tablette et on vit dans la virtualité. Une voix synthétique égrène les arrêts : Wander, Sulgenau, Monbijou, Bahnhof…
Le train pour Brig départ 10H07 est rempli de retraités, poumons de l’économie touristique suisse ! Par un tube percé sous les Alpes, le train nous dépose au soleil.
A Brig, pour échapper à la foule qui se presse sur le quai de la compagnie du Matterhorn Gotthard Bahn, on saute dans une Smart et départ pour la vallée de Conches, en allemand : Goms. La neige est abondante. En décembre une neige record a enseveli les maisons. Les charpentes ploient sous le poids des flocons. La petite voiture semble naine en passant entre les montagnes de neige.
A Münster, il faut chausser les lunettes de soleil pour partir en balade. Le reflet du soleil est éblouissant. Un chemin pour les piétons permet d’atteindre l’extrémité de la vallée. Parfois il se confond avec la piste de ski de fond. Un lointain cousinage avec la vallée des Belleville en Savoie semble pertinent. C’est le baroque des églises qui lie les deux vallées.
Les fous de lumière, nus un peu décharnés attendent une saison plus douce pour retrouver leurs aiguilles.
Petit en-cas à Ulrichen, village qui a reçu le plus de neige, avant de rebrousser chemin et de faire crisser la neige sur le chemin du retour.
Gavés de lumière, il est temps de regagner la peuf par le trou de souris sous les Alpes.

Sur le lit de la chambre d'amis située au 1er étage de la Maison des delphiniums un roman est posé sur l'oreiller, "La vie devant soi" d'Emile Ajar. Il s'agit d'une édition de 1975 à l'époque du Prix Goncourt, avant que le nom de Romain Gary ne reprenne place sur la page titre.
Quelqu’un relit l'histoire de Madame Rosa et de Momo. Les pages ont un peu jaunies, le temps a bouffé le papier qui avec constance se désagrège.
Dehors, une averse de neige blanchit le jardin et le décor. La maison est silencieuse. Dans la cuisine du 2e, la vaisselle entassée dans un lave-vaisselle est ripolinée dans un ronron de félin. Du salon télé s'échappent des bouts de dialogue d'une dramatique, les coccinelles ont disparu, dans la salle de bain du 1er l'eau du lavabo goutte en rythmant les secondes.
Le fantôme de Flora passe dans la cage d'escalier, les marches en chêne massif craquent et la robe en mousseline fait un léger courant d'air.