06 novembre 2023

Il automne - Roman de gare

176e devoir du Goût de Lakevio

La consigne

Après Anne-Françoise Coulomy et ses portes dont on se demande toujours où elles mènent ou ce qu'elles cachent, voici Fernando Saenz Perdrosa et ses attentes d’un train qui mènera je ne sais où pour rejoindre je ne sais quoi ou échapper à je ne sais qui.
C’est toute l’histoire de « Le je ne sais quoi et le presque rien ».
A vous, et à moi, de jouer d’ici lundi…

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Aujourd’hui, nous évoquerons « Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien » de Vladimir Jankélévitch avec la philosophe…
Elle coupa la radio de bord. Ils s’embrassèrent langoureusement. Ils avaient passé la fin de semaine dans un gîte sur un plateau balayé par de puissants vents d’arrière-automne. Ils avaient redéfini le kamasoutra plutôt que de battre la campagne dans la tempête. Ce premier dimanche de novembre s’achève sous des averses glaciales. En début de soirée un bulletin météorologique spécial annoncera des températures négatives pour la nuit.

Elle quitta l’habitacle en agitant la main, il lui fit un clin d’œil. La Ford Galaxie disparu dans le virage au loin. Elle gagna le quai de la gare de X. La pluie avait laissé ses empreintes sur le béton du quai. Dans les flaques, le ciel, morne, bas et gris se reflétait. Dans l’une d’elle, la fine silhouette de la voyageuse oscillait au gré de minuscules vagues provoquées par les pattes d’un chat, un chat qui s’était aussitôt fondu dans la brume naissante. Pour échapper à l’averse, elle se tenait sous parapluie gris. Un imperméable sanglé à la taille par une ceinture élançait son corps vers le ciel. Un sac à main pendait à sa main gauche, son bagage abandonné derrière elle prenait la pluie.

Tout à l’heure, en quittant le gîte, elle avait constaté la perte de la ceinture de son pardessus. Ceinture qu’un des rares voyageurs fréquentant la gare de W. avait accrochée à la rambarde du sous-voie. Mal fixée, la lanière d’étoffe s’était égarée sur le quai, vendredi, quand le train l’avait déposée dans cette station au milieu de la campagne et qu’elle avait couru à son rendez-vous.

Une locomotive tirant trois wagons avançait sans peine malgré la pluie, un vent léger, une brume grandissante. Le halo des phares de la motrice se faisait de plus en plus précis. Quand le train entra en gare, elle arracha le sac de voyage du sol et se précipita en bordure de quai. Le machiniste actionna le sifflet de la locomotive…

Il alluma la radio de bord.
Une jeune femme a été trouvée morte sur le quai de la gare de W. ce lundi matin. Elle serait morte de froid indique la police. Une autopsie est ordonnée et une enquête ouverte. Les enquêteurs sont intrigués par la présence de cette femme dans ce lieu. La gare est désaffectée depuis la fermeture de la ligne il y a quinze ans…

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25 septembre 2023

Il automne - Il est temps de rendre sa copie...

Cent septante-deuxième devoir du Goût de Lakevio

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La consigne :

J’aime beaucoup cette toile de Van Gogh.
Je pense que vous aussi vous l’aimez.
Je suis sûr que vous avez quelque chose à en dire.
Ce serait bien si, en le disant vous y placiez ces dix mots :
Désert
Retraite
Solitude.
Automne
Réaction
Fauteuil
Épouse
Chagrin
Froid
Chemise
Bon, ce n’est qu’une suggestion mais ce serait vraiment chouette.

Désalpe

À 8 heures 49 minutes et 56 secondes, heure de la Ville fédérale, Phébus, d’un pas élastique, boude l’hémisphère nord pour réchauffer celui du sud. Huit heures 49 minutes et 56 secondes, heure calculée par l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE), marque l’équinoxe d’automne, ce samedi 23 septembre.

Une information sans incidence sur le récit en cours, lue au hasard des notes égrenées par les agences de presse dit ceci : « Le Cartel Phœbus est un cartel, mis en place dans les années 1920 et 30, spécialisé dans la lampe à incandescence et connu pour être à l'origine de l'obsolescence programmée. »

Les brumes s’étirent, lentement se dispersent dans l’azur. Le petit village dans les montagnes sort de la torpeur estivale. Les troupeaux de vaches vont redescendre des alpages. Une affichette, placardée à la maison de commune (mairie dans le canton de Genève), indique jours et heures de ces transhumances, appelées désalpes.

L’épouse du fromager frappe à la porte d’un chalet situé aux confins du village. Un feu crépite dans la cheminée, le craquement des bûches, mangées par les flammes, est perceptible de l’extérieur. Elle frappe une seconde fois. N´entendant aucune réaction, elle pense que le vieux à l’esprit chagrin, ce matin. Elle dépose la commande, œufs et morceaux de fromage d’alpage au lait cru, sur le bord de la fenêtre de la cuisine. Elle quitte les lieux, elle a froid, sa marche est rapide. La solitude des villages ne convient pas à cette femme qui a grandi dans la frénésie zurichoise. Un fromager joueur de cor des Alpes avait séduit l’étudiante qu’elle était, trente ans se sont écoulés, elle livre des produits laitiers dans un village accroché à la montagne, à plus de 1000 mètres d’altitude.

Janosch, assis sur une chaise, à côté de la cheminée, en face d’un fauteuil usé par les siècles, vêtu de ses habits de semaine, gros souliers bruns, pantalon et chemise taillés dans une étoffe solide d’une couleur bleue tirant sur le gris. Les coudes posés sur les cuisses, il a la tête plongée dans ses poings. Une couronne de cheveux blancs, à la base d’un crâne chauve, se termine en barbe. Une barbe que le vieux Janosch taille le dimanche matin avant d’aller au culte.

Il rumine le vieux. Depuis qu’il est à la retraite il a l’impression que son cerveau est un désert.
Lundi matin, sur le coup de onze heure, alors que le premier troupeaux arrivera d’Habchegg et traversera le village, Janosch sera en ville.
Un fois de plus, il rendra une page blanche à sa séance d’atelier d’écriture, le 172e, tenu par le professeur Le Goût. Un professeur vraiment chouette !

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11 septembre 2023

Il automne - Des crabes, des pinces, de l'or et beaucoup de chaleur

170e devoir de Lakevio du goût

La consigne proposée par Le Goût (le blog du Goût) :

«Aujourd’hui, histoire de rester dans « l’air du temps » comme disait Nina Ricci, la température me semble un bon sujet de conversation.
J’ai donc repris « Le crabe aux pinces d’or » d’Hergé et en ai tiré cette image pour en faire le sujet du devoir.
Canicule donc il y a.
Comme vous vous en doutez, Heure-Bleue hésite entre la mort et la fusion.
Mais vous ?
Comment vivez-vous, comment survivez-vous à ces températures qui donnent une idée des conditions de travail des ouvriers de la sidérurgie.
Vous serez lues et lus lundi sans aucun doute, et avec intérêt…»

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«Nous marchons vers de possibles catastrophes dans un état de rêve éveillé»
Edgar Morin

Canicula

Une chaleur intense, l’air qui brûle les poumons, un soleil sans répit, un ciel sans espoir de pluie. Les grains, qui forme ce désert, incandescents, marquent la peau qui s’y frotte, tel un fer rouge.

Il tituba, s’écroula dans la fournaise. La voiture à portée de main semblait inaccessible. Dans un effort surhumain, il dévissa le bouchon de la gourde pour quémander les dernières gouttelettes d’eau. Un sourire figea son visage. Il avait gagné son pari, il avait envoyé au monde un égoportrait, posant en compagnie d’un thermomètre fou qui indiquait 62 degrés Celsius.

Le reste ne sera que péripéties. On retrouvera ou pas son corps desséché. Les charognards ont quitté depuis longtemps cet enfer.

Il avait tout prévu, un sac isotherme pour préserver le téléphone pendant la sortie dans la fournaise. Il avait tout prévu, des bouteilles d’eau en suffisance. Il avait tout prévu, fermer les portes de la voiture et laisser tourner le moteur pour que la climatisation, au bord de la rupture, conserve un semblant de fraîcheur dans l’habitacle. Il avait tout prévu ne cessait-il de marteler à ses millions de suiveurs sur ses différents comptes numériques. Il avait signé un partenariat rémunéré avec une usine d’embouteillage d’eau minérale.

Il avait tout prévu sauf l’imprévu, le chant des sirènes virtuelles ignore l’implacable réalité de la vraie vie.

Dans la carcasse de la voiture, sur le siège arrière, une bande dessinée, « Le Crabe aux pinces d'or » d’Hergé, ouverte à la page 28-29, disparaît peu à peu sous les sables.

Affiche placardée contre l’intérieur de la porte du cabinet d’aisances du Versa bar à Berne.
Affiche d’une actualité brûlante.

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10 juillet 2023

Un été au pied des Alpes - Un soir, t’en souvient-il ?

168e devoir du Goût de Lakevio

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Consigne

Cette toile de Fernando Saenz-Pedrosa, dont on a déjà vu une toile dans un autre devoir où il était question de quai de gare et d’attente, semble bien triste.
Pour quelle raison cette femme semble-t-elle si triste ?
Racontez une histoire est soyez sûres et sûr qu’elle sera lue lundi.

Ce serait bien si votre histoire commençait par « Il m’arrivait aussi de me demander si je ne m’inventais pas habilement une excuse en prétendant que j’avais déjà cessé de l’aimer. »
Et qu’elle finît par « On méconnaît terriblement la durée de l’éphémère. »
Vous êtes tranquilles maintenant, le bac c’est fini !

Oh les beaux jours

« Il m’arrivait aussi de me demander si je ne m’inventais pas habilement une excuse en prétendant que j’avais déjà cessé de l’aimer. » Était-ce l’incipit d’un roman que les gares ne proposent plus faute de kiosques, l’état d’esprit d’une esseulée à la pensée brouillonne, elle larguait ou était larguée par Ben, la consigne d’un atelier d’écriture ou le premier plan d’une histoire cinématographique présentée au 22e Festival international du film fantastique de Neuchâtel avec John McTiernan parmi les membres du jury ?

L’express de 15h04 battait une campagne écrasée de chaleur, au loin, un troupeau de vaches réfugié à l’ombre d’une allée de peupliers d’Italie ruminait les rares herbes échappées de la sécheresse. Plus tard, la voie ferrée passera au large d’un alignement de piscines, plus-values de maisons cossues. L’eau fraîche déversée dans ces cuves de béton nargue trois carpes qui étouffent dans une flaque d’eau, le ruisseau est à sec. Les pluies sporadiques qui accompagnent de violents orages ne ruissellent qu’un bref moment, le mal est plus profond, sous terre, à mille lieues de l’agitation urbaine et des dingueries postées par des jeunes, en mal de célébrité, sur des réseaux sociaux chiffrés de bout en bout, le drame sourd dans les entrailles de la terre, sous le regard impuissant des stalactites, les nappes phréatiques agonisent.

Fenêtres inamovibles, climatisation défaillante, les passagers de l’express de 15h04 transpirent, la sueur forme de petites mares à leur pied que des chiens écrasés de chaleur lapent. Indifférent à ce climat saharien, un jeune gars à l’élégance italienne, partageant son coin avec trois autres voyageurs, épaule appuyée contre la fenêtre, lit « Le soleil sur Aubiac », un essai de Georges Borgeaud, dans la réédition de 2012 des Éditions Zoé. Le train surpeuplé, les wagons surchauffés ne le préoccupent guère, son esprit vagabonde du côté de Saint-Cirq-la-Popie.

Éloignons-nous.

Les clapotis sur les galets d’une plage lacustre se mêlent aux cloches d’une église lointaine, l’angélus du soir. 
Un muret, un carré d’herbe jaunie séparent la plage de la rue. L’hiver, quand le lac lutte avec les violentes bourrasques d’un vent glacial, ses écumes s’égarent parfois sur la chaussée, léchant la gare, imposant bâtiment en granit imitant les cathédrales. Le muret s’interrompt l’espace d’un passage, un lampadaire juché sur une imposante colonnade en marque l’emplacement. Une serviette de bain déborde d’un panier, un panier tressé, souple, avec des anses démesurées qui permettent de le transporter sur l’épaule. Panier oublié près du lampadaire par des baigneurs impatients de partir en goguette. C’est là qu’elle avait choisi de s’asseoir.
Un gars sur une bicyclette en passant près d’elle lança un « Belle demoiselle ». Il avait d’un coup d’œil enregistré les détails de la silhouette, la chevelure dorée par le soleil couchant, le débardeur rouge, les jambes croisées, brunies par l’été, sous une longue jupe presque transparente, un ruban étroit, couleur d’automne, partant à l’assaut de la taille en colimaçonnant, imprimé sur le tissu blanc, les chaussures ouvertes et légères, une main à l’abandon dans le vide et l’autre triturant un morceau de papier.
Pensive, elle ne remarqua pas le cycliste qui passait bruyamment, un poste à galène ligoté sur le porte-bagages diffusait une musique à plein volume, un jazz acide, « Virtual Insanity » du groupe de musique britannique Jamiroquai.
Elle pensait que marionnettiste, elle manipulait ses amants, qu’avec dextérité sans emmêler les fils elle s’en approchait ou au contraire s’en éloignait. Elle soupira et si c’était eux, Ben, Vincent, François, Paul et les autres qui se jouait d’elle. Un voile de tristesse, ou l’ombre d’une mouette rasant la plage, assombri son visage, rapidement dissipé par un sourire radieux. Elle relu le télégramme qu’elle froissait et défroissait depuis midi. Jef arrive avec l’express de 15h04.
Une dame très âgée, cheveux blancs dorés par le soleil couchant, pull rouge en coton, jupe longue, blanche, avec un étroit ruban couleur hiver qui colimaçonne jusqu’à la taille, arrêta son déambulateur à la hauteur de la jeune femme mélancolique. En la regardant droit dans les yeux, elle murmura :
« On méconnaît terriblement la durée de l’éphémère. »

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26 juin 2023

Un été au pied des Alpes - Roman fleuve pour un devoir du lundi

167e Devoir de Lakevio du Goût

Graines

La consigne du Goût. On lit le Goût ICI
Il me semble que Lakevio avait déjà proposé cette toile de Harold Harvey mais j’aime beaucoup cette toile alors il ne me reste plus qu’à trouver une autre idée pour éviter de me faire taxer de « recyclage ».
Le moment étant à l’été et aux balades dans les prés, auriez-vous par hasard une idée de ce que pensent ces deux enfants pendant cette halte champêtre ?

Note
 Par un curieux hasard la proposition du Goût, pour le devoir de ce dernier lundi de juin, me donne l’occasion de terminer une histoire qui laissait entrevoir une suite, à la fin du texte la mention « à suivre » donnait l’illusion que rien n’était terminé. Les acteurs retrouvés jouent la fin de cette comédie humaine. Le début se lit ICI

Et la fête continue
Il était en tenue d'été, couché dans l'herbe d'un parc parisien. Quelques fleurs de dent-de-lion égayaient la pelouse. Certaines fleurs étaient déjà en graine. Ce sont ces boules blanches qui s'éparpillent quand on souffle dessus, ce geste est immortalisé sur la couverture du Larousse, avec cette maxime, écrite au-dessus des graines qui s'envolent, « je sème à tout vent ».

Le 8 mai 2017, après s’être embrassé langoureusement avec Marine, Emmanuel avait jeté sa veste sur son épaule et, avant de s’enfoncer dans sa nouvelle vie, avait donné rendez-vous à Marine dans cinq ans dans ce parc parisien où les pissenlits s’égayent.

 Une pandémie s’était, dans les années 20, insinuée dans le monde, perturbant le confort des uns, jetant dans la misère les autres, les plus démunis, eux les plus nombreux. Cette période où le masque chirurgical, paravent d’un virus nouveau, devint une source de pollution, on en débusquait jusque dans le lit des fleuves ; charrié par le courant des rivières il épousait les océans, sans doute qu’une multitude de tortues aquatiques médusées par cet objet non identifié moururent en dégustant la négligence des humains, cette période perturba également les projets d’Emmanuel.

 C’est le 26 juin 2023, avec un an de retard qu’il retrouve Marine dans un parc parisien. Le manque de pluie a transformé l’herbe en amas brunâtre et sec, cette année pas de graines semant au gré du vent leur savoir. Emmanuel en tenue d’été, couché dans l’inconfort de la sécheresse regarde avec tendresse Marine et murmura « les liens avec ma famille depuis la mort de mon père sont détendus. Nous pourrions… »
- Maman, maman…
Une bambine de cinq ou six ans, s’agrippant à la jupe de sa mère transforme les paroles murmurées en un grand éclat de rire.
Blême, Emmanuel interroge, « tu es mariée Marine ? »
- Absolument pas
- Cette gamine ?
Marine danse avec sa fille sur l’herbe devenus poussière
- Cette gamine ? C’est Emma, notre fille !

 Marine et Emmanuel scellent leur union par un baiser langoureux.
Le trio s’engage dans l’allée centrale dans un joyeux tintamarre.
En sortant du parc, ils passent, sans la remarquer, devant une œuvre de Banksy crayonnée sur la colonne de pierre frontière entre la rêverie et la vraie vie, Bansky « l’inconnu le plus connu du monde », la star de l’art urbain, celui qui manipule, intrigue et a réussi à mettre en ébullition la planète artistique mondiale. Ses œuvres arrachées à la pierre par des voleurs atteignent des millions de dollars dans les ventes aux enchères.
La petite troupe qui chantait à tue-tête une chanson qui eut son heure de gloire au firmament des années 1950, traversa la rue et disparu dans le soleil tout en continuant sa chanson, la,la,la,la…

 Dix ans plus tard, on apprendra en lisant une des rares feuille de chou qui s’imprimait encore, qu’ils s’étaient mariés, vivaient heureux et avaient une ribambelle de gamins.

(Et cetera desunt)


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05 juin 2023

Un été au pied des Alpes - Circuit et un demi-faux devoir du lundi...

Du petit village dans les montagnes au village des vacances de mon enfance en passant par La Chaux-de-Fonds, la ville de mon enfadolescence.

Photographies : La Chaux-de-Fonds et le jardin de Lignières

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Devoir de Lakevio du Goût 164

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Encore un tableau de Jackie Knott.
Si vous avez déjà vu ici cette œuvre, mille excuses.
Mais que voulez-vous, elle me plaît, alors hein…
Cette Américaine qui fit plein de choses n’ayant rien à voir avec la peinture, « l’US Air Force » n’ayant que peu de rapport avec l’art pictural, est passée par ici.
Elle s’est promenée à Montmartre.
Elle y a vu quelqu’un dans ce jardin connu même des Chinois.
Mais ce quelqu’un, qui est-il ?
À quoi pense-t-il ?
On verra bien lundi ce que vous en pensez...
Le Goût c'est ICI

En voyant cette toile, sujet du devoir du lundi, une nostalgie a submergé mes pensées.
C’était ma première participation à cet exercice d’écriture, Lakevio était à l’époque la maîtresse d’école, sept ans déjà…
Le devoir du lundi est un immense terrain de jeu, il offre la possibilité d’explorer tous les thèmes, du western au roman d’amour en passant par la science-fiction ou de jongler avec le thriller et l’insolite. Tout est possible.
Le vendredi, quand la consigne est mise en ligne par Le Goût, le maître qui a repris la direction de la classe, il faut qu’une idée jaillisse dans mon cerveau dans la journée, sinon c’est fichu. Souvent la page reste blanche, parfois en dernière minute en contemplant l’Augstmatthorn juste avant la nuit, fusen les idées. Le samedi, je commence d’écrire au Versa bar, dans un wagon-restaurant, une salle d’attente ou sur un banc de la Ville fédérale. La mise au net se fait à la grande table de la salle à manger, face au paysage des Préalpes, bercé par les cloches des vaches, au milieu des chalets qui forment le petit village dans les montagnes.
Cette semaine, manquant de temps, je n’ai pas pu creuser l’idée d’une suite d’histoire sept ans plus tard !

Mon devoir du 6 mars 2016 est ICI

 

29 mai 2023

Le temps des fleurs - Quoi de neuf dans le village des vacances de mon enfance ? Un devoir du lundi, un !

 

Devoir du lundi

La consigne
163e devoir de Lakevio du Goût
Je ne résiste pas à l’envie de vous montrer cette toile de Matteo Massagrande.
J’aime ce peintre que j’aime à voir comme « le peintre de l’abandon ».
Cette toile évoque-t-elle quelque chose pour vous ?
Suscite-t-elle quelque envie de voyage ?
Quelque souvenir ?
On devrait grâce à vous, en savoir plus lundi…
Le Goût habite ICI

LES ARPENTEURS
La maison aux allures italiennes se dressait sous un ciel gris de fin de printemps ; une ruine sans portes ni fenêtres entourée de multiples jardins séparés par des murets surmontés de barrières en fer avec des portails permettant le passage d’un espace à l’autre.
La végétation avait tout envahi. L’endroit ressemblait à Ankor Vat avant les fouilles. Dans cette jungle se mouvaient des arpenteurs, des architectes, des décorateurs, des électriciens, des ébénistes, des tapissiers, des plombiers («Qui c’est ? C’est le plombier !
»), des maçons, des vitriers et sans doute sous l’épaisse couche de végétaux quelques ratonnes laveuses, sans oublier Barbara, la belle Barbara toute de rose vêtue. De sa voix de stentor elle demandait de l’aide. Un mûrier particulièrement agressif s’en était pris à sa robe en soie rose bonbon.

Tous ces métiers en relation de près ou de loin avec l’immobilier, la construction et la démolition, mesurent, arpentent, prennent des notes pour présenter un devis qui permettra à la pierre de se relever.
Chaussé d’une élégante paire d’espadrilles «Easy Summer Slip On» de la marque du styliste américain
Tommy Hilfiger, en toile rouge avec une doublure en textile, semelles en caoutchouc à talon plat, des chaussures estivales totalement inadaptées à la situation d’un urbex en campagne, le mari de Barbara se tenait devant la ruine et contemplait la mer.
Un quidam qui promenait son spleen sur le chemin, se porta à hauteur de voix de l'homme à la chaussure rouge*Une conversation s’engagea.
- Vous êtes le nouveau propriétaire ?
- Une affaire, croyez-moi.
- Un tas de cailloux.
- Mais une situation exceptionnelle, cette vue sur la mer...
Le quidam se retourna pour contempler la vue et ricana bien haut.
- La mer peinte sur le mur d’enceinte de la centrale atomique, quelle dinguerie à trois cents kilomètres de la Grande Bleue.
Le mari de Barbara s’était figé net dans une posture indécise, rire ou pleurer. Il eut l’étrange impression de s’être fait rouler par un agent immobilier peu scrupuleux.
Son téléphone couina. Son secrétaire l’informait que sa paire de lunettes, égarée depuis quinze jours, avait été retrouvée.

Lignières
Entre deux séances de désherbage
28 mai 2023

 

*L'Homme à la chaussure rouge (titre original : The Man with One Red Shoe)  film américain réalisé par Stan Dragoti, sorti en 1985. Il s'agit du remake du Grand Blond avec une chaussure noire réalisé par Yves Robert en 1972.

 

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17 avril 2023

Le temps des fleurs - Requiem pour une Ford Galaxie

160e devoir de Lakevio du Goût

La consigne :

devoir dernier

Mes chéris, ce devoir est le dernier que je vous propose.
Je vous aurai proposé cent-soixante devoirs !
Pensez que je me suis mis dans l’idée de vous soumettre le premier de ces devoirs le 9 juillet 2019 quand Lakevio en a abandonné l’idée.
Le sujet de ce dernier devoir est triste.
D’abord parce qu’il est question d'une perte évidemment.
Mais surtout parce que c’est la mort d’un symbole.
La dame que vous voyez sur la photo est retournée « ad patres » hier, dans un silence quasi général.
Celle qui remplit, involontairement j’en suis sûr, les rêves de tous les ados des années soixante a tiré sa révérence.
Si vous vous racontiez ce que vous auriez dit de cette dame lors de la dernière cérémonie à laquelle est assistera…
Si une lectrice chérie ou un lecteur non moins chéri voulait prendre la suite, ce serait sympa et je me plierais volontiers à cette discipline car je ne souhaite pas du tout abandonner ce blog que je squatte depuis 2003 avec une infidélité à une autre plateforme jusqu'en 2006.

Dernière ligne droite avant le lancement de Space X !

Une Ford Galaxie roule sur une route longeant le lac de Thoune. Elle file dans la belle lumière du soir. À son bord, un pilote et sa cartomancienne, la cousine de Bette. Elle tire les cartes routières d’un sac en toile de jute et trace les plans du voyage dans les marcs de café qui stagnent au fond d’une tasse estampillée «Adriano’s bar».
Une photographie coincée entre les cartes routières attire l’attention du pilote.
« C’est qui cette meuf ? » « Regarde la route » lui suggère la cousine de Bette. Un éléphant rose qui stagne sur la route est évité de justesse par le bolide.
Le pilote et sa cartomancienne écoute la bande FM, le courrier du cœur occupe l’antenne.
«Elle est de quelle couleur la Ford Galaxie 
? » demande un auditeur du courrier du cœur.
«C’est qui cette meuf, tu ne m’as pas répondu. On dirait une photographie des années 60 du siècle passé 
! » « Regarde la route » se fâche la cousine de Bette. Une mini presque à l’arrêt forme le bouchon d’une longue file de voitures millésimées 2014, un cru qui ne figure pas dans la nouvelle édition de Robert Parker.
« C’est qui Robert Parker ?» demande un auditeur du courrier du cœur.

Robert Parker guide les œnologues. La Ford Galaxie est bicolore, blanche sur le dessus et vert émeraude sur les côtés, c’est une voiture américaine, modèle 1959. On distingue, sur la photographie en noir et blanc, Mary Quant. La RTS (Radio Télévision Suisse) a publié un article vendredi qui commence ainsi « La styliste britannique Mary Quant, qui a révolutionné la mode en popularisant la minijupe, est décédée jeudi à l'âge de 93 ans. Elle avait ouvert en 1955 sa première boutique, « Bazaar », dans le quartier de Chelsea alors en pleine ébullition. » Fin de citation.

À bord de la Ford Galaxie, le moteur ronronne, le pilote se laisse guider par le hasard, la cartomancienne, assoupie, rêve en couleur. Elle rêve qu’elle est sur un grand bateau blanc. Les auditeurs du courrier du cœur susurrent des mots, des mots d’amour au microphone.
Quand la grande aiguille rejoint la petite sur midi, la montre bracelet du gardien du phare des Baleines indique qu’il est minuit, l’heure des informations sur la bande FM.

Pendant le générique du journal parlé, les rares auditeurs encore à l’écoute s’attendent à ce que la voix monocorde du journaliste lise une liste interminable de guerres, de tremblements de terre, d’une éruption volcanique perturbant le trafic des aéronefs ou de confiture d’orange amer étalée sur «le déjeuner sur l’herbe» pour protester contre l’indolence des politiciens qui occultent le réchauffement climatique provoqué par les vaches affalées dans les prés, qui ruminent paisiblement des idées noires.

 

PUB :

«24 heures sur 24, la vie serait bien dure si l'on n'avait pas le Pop Club, avec José Artur.» chantent les Parisiennes.

ANNONCE :
« Le premier accroc coûte 200 francs », je répète « Le premier accroc coûte 200 francs ».

Le journaliste ouvre le journal parlé avec une nouvelle inédite, un imprévu, un coup de tonnerre dans le ciel bleu d’une journée sans anicroches particulières. Cette nouvelle stupéfiante pourrait mettre en faillite les derniers fabricants de plumes, ces plumes munies d’un réservoir rempli d’encre et qui grattent la feuille blanche. Cette nouvelle qui déchire la mi-nuit pourrait mettre sur la paille des créatrices et des créateurs. Le monde politique et celui des affaires sont en ébullition. Il faut éviter une crise mondiale du dernier carré de la liberté d’expression. Déjà, les Chinois, tel des vautours, s’intéressent à la reprise du concept.
Cette nouvelle qui bouleverse la marche du monde est lue d’une voix monocorde par le journaliste du journal parlé :
«Mes chéris, ce devoir est le dernier que je vous propose.
Je vous aurai proposé cent-soixante devoirs !
Pensez que je me suis mis dans l’idée de vous soumettre le 
premier de ces devoirs le 9 juillet 2019 quand Lakevio en a abandonné l’idée. » Fin de citation.
Sans un rictus d’amertume, sans l’ombre d’une larme qui coulerait sur un visage buriné et connu du tout Majorque, il a ses entrées, sans un tremblement de la voix, le journaliste récite l’information sur un ton monocorde. Des grésillements empêchent d’entendre la suite. Ce brouillage passager est émis par radio Caroline, 199 mètres OM (1485/1520 kHz), qui tente une résurrection depuis le vapeur « Blümlisalp » ancré dans les eaux internationales du lac de Thoune. Seule la fin du communiqué de presse est audible, « Si une lectrice chérie ou un lecteur non moins chéri voulait prendre la suite, ce serait sympa et je me plierais volontiers à cette discipline, car je ne souhaite pas du tout abandonner ce blog que je squatte depuis 2003 avec une infidélité à une autre plateforme jusqu’en 2006. » Fin de citation.

« Zut ! » lâche le pilote. Il venait d’allumer une Gauloise bleue sans filtre, d’aspirer une longue bouffée de fumée. Juste avant d’expirer ces vapeurs de nicotine, de tabac brut et de produits non déclarés sur le paquet de clopes, au moment les poumons gorgés de fumée emplissent le cerveau d’un plaisir intense, le journal avait parlé. Il avait recraché la fumée rapidement, une tirée pour rien.
La Ford Galaxie s’ennuie sur une aire d’autoroute à l’aspect fantomatique, il est minuit. Le pilote est appuyé contre la portière et la cartomancienne s’est allongée sur le capot.
« Tu connais ce mec ? » demande la cartomancienne. Le pilote allume une nouvelle Gauloise. Il avait jeté la précédente, pratiquement intacte, mais totalement gâchée par cette nouvelle surprenante, sortie du poste à galène. Il aspira la fumée, et s’en gargarisa longuement avant de répondre à la question. «C’est le Goût-des-autres, un blogueur émérite qui propose un devoir le vendredi. Il faut rendre la copie le lundi.» La cartomancienne tira une carte routière de son sac. « Il est aussi minuit dans la Creuse» lança-t-elle en dépliant ce coin de France.
La Ford Galaxie, construite au mitan du siècle passé,
est dépourvue d’écran. Il est indispensable d’embarquer un sac en toile de jute débordant de cartes routières.
« Chéri, tu pourrais reprendre le devoir du lundi, ce serait sympa »hasarde la cousine de Bette. Le pilote ne répond pas, absorbé dans l’allumage de l’avant-dernière cigarette. Il tente le jeu des ronds de fumée, réussir à faire passer un petit rond dans un grand rond.
Comme dirait Catherine, une amie de longue date,
« c’est la dèche ». Il reste une Gauloise dans le paquet qui tout à l’heure sera chiffonné et jeté par la vitre entrouverte de la Galaxie glissant sur une route déserte éclairé par une lune gibbeuse. Il reste un sandwich et un filet d’eau dans une bouteille en verre vert. Le restoroute est fermé. La station essence est ouverte, il est temps d’abreuver la Ford Galaxie.

Après avoir renseigné un étrange équipage, le pilote et la cartomancienne ont repris la route. Un cheval blanc, d’une maigreur épouvantable s’était arrêté à leur hauteur. Il était suivi par un âne que montait un homme de forte corpulence qui ronflait bruyamment. Le cavalier maigre comme son cheval, vêtu d’une armure bricolée avec des boîtes de conserve, tenant une longue pique en bois, demanda de manière courtoise, « Madame la cousine de Bette, pouvez-vous me renseigner, y a-t-il des moulins quelque part ? « Un instant ! » répliqua-t-elle en plongeant un bras ganté de noir dans le sac en toile de jute. Elle extirpa la carte de La Manche, région historique située au cœur de l’Espagne, pointa son doigt sur un tout petit moulin dessiné dans un coin de la carte. L’équipage avait disparu sans bruit. Un mirage.

Le ronronnement de la Ford Galaxie, le paysage blafard éclairé par la gibbeuse provoquent dans le cerveau de la cartomancienne une cascade de trouvailles. « Si on organisait une méga teuf, le devoir du lundi en folie, tous en minijupe, chéries et chéris, ce serait un bel hommage à Mary » 
« On mettra à donf les Beatles, on projetera sur le mur de la maison le film Kes de Ken Loach » dit le pilote. « Et aussi Deep End de Jerzy Skolimowski » ajouta la cousine de Bette.


Plus tard, bien plus tard, dans une belle lumière matinale, la Ford Galaxie sillonne les rues d’une petite ville. Le pilote et la cousine de Bette cherchent une boîte aux lettres afin d’y jeter une carte postale affranchie avec un timbre à l’effigie du Petit Prince. La photographie affichée sur la carte représente une scène printanière, saison du renouveau, un champ de cerisiers couverts de fleurs blanches. Avant que la carte ne disparaisse dans la bouche de la boîte, on a le temps de lire ceci :

Merci pour tout Monsieur le Goût
Gros bec à Heure Bleue

Le pilote et la cousine de Bette


STOP STOP STOP

Bonjour
1
er devoir de Lakevio du Goût de ChatGPT (Chat Generative Pre-trained Transformer)
A partir de ce vendredi le devoir du lundi sera totalement automatisé. Le vendredi et Le lundi à 6 heures du matin vous recevrez sur votre montre connectée : La présentation du devoir, le texte de présentation, les textes des participants ainsi que les commentaires, le tout généré par ChatGPT. Vous n’aurez plus à vous tracasser d’un manque de temps ou d’imagination, ChatGPT a pris le contrôle de vos cerveaux et du devoir du lundi !

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16 janvier 2023

Les mois d'hiver - Il a neigé cette nuit dans le petit village dans les montagnes, mais là-bas les étés sont brûlants...

 

Lakevio

149e devoir de Lakevio du Goût
Cette toile de Marc Chalme me dit quelque chose.

Elle me rappelle une histoire, triviale certes mais une histoire.
Et à vous ?
J’aimerais que cette histoire commençât par « Mais qu'allait-elle faire là-bas ? ».
J’aimerais aussi qu’elle se terminât aussi par « J’en retirai le soulagement espéré… »
Ne cherchez pas dans votre bibliothèque ou sur Internet, ces deux phrases plates mais courantes sont de votre serviteur.
À lundi j’espère.

 

« Mais qu'allait-elle faire là-bas ? »
Pieds nus, vêtue d’une robe verte, un vert qui oscille entre le vert émeraude et le vert suédois, cheveux mi-long qui tombent sur les épaules, Line scrute la forêt qui jouxte le parc.
Une plate-bande intégrée aux dalles en granite noir qui forment le sol du rez-de-chaussée de la bâtisse, où poussent des hostas, marque le passage entre le patio et le parc. Line quitte le patio par le côté jardin.
Le patio juste tiédi par les journées d’un été brûlant, désert et presque vide respire le silence. Un tapis persan, une table basse et un olivier en pot meublent cette pièce ouverte sur le jardin par une arche aux murs épais.
Une tasse et un ordinateur posés sur la table basse sont les seuls signes d’une présence humaine récente. Le café dans la tasse est tiède, l’ordinateur vient de mettre l’écran en mode pause.
Presque imperceptible le moteur d’une voiture qui longe le chemin en bordure du parc est couvert par les cris d’un corbeau freux.
Un jeune homme vêtu d’une paire de bottes noires, d’un jeans et d’une veste en cuir entre dans le patio par le côté cour. Il doit avoir une vingtaine d’année. Discrètement il vérifie si son couteau est en place dans sa botte gauche. Il braconne parfois.
Un léger cliquetis, il se retourne brusquement.
« Mais… »
La phrase reste en suspens, le coup part. Frappé en pleine poitrine, il est projeté en arrière par la violence de l’impact. Il est comme cloué au mur. Line pose le fusil sur la table basse. Elle ramasse les clefs de voiture échappées des mains du jeune homme.
Elle boit le café tiède en grimaçant, embarque la tasse, l’ordinateur et le fusil. Elle récupère ses chaussures derrière l’olivier en pot.
Juste avant de s’écrouler sur le granit noir, le jeune homme murmure une phrase mystérieuse, couverte par le moteur d’une Ford Galaxie qui démarre en trombe,
« J’en retirai le soulagement espéré… »

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05 décembre 2022

Les mois d'hiver - Il a neigé cette nuit dans le petit village dans les montagnes

145e devoir de Lakevio du Goût

Consigne :

Devoir de Lakevio du Goût_145.jpg

J’aime la façon dont Mark Keller use pour nous faire comprendre que les choses ne se passent pas toujours comme prévu…
Mais vous ?
Que pensez-vous qu’il nous dise là ?
On en saura peut-être plus lundi.
Du moins je l’espère…

Yves

Je connais Yves depuis l’école primaire. Nous avons passé quatre années scolaires à nous côtoyer. Nous nous sommes revus quarante ans plus tard. Un de nos camarade avait réussi à réunir la classe entière le temps d’une soirée. Seize ans se sont écoulés depuis cette soirée, et, dans cette auberge baignée par l’océan, plantée au milieu de nulle part, où je passe une nuit, je reconnais Yves qui mange seul à une table, comme moi. Nous avons passé un bout de soirée à bavarder. Une conversation neutre, les souvenirs communs sont si diffus et lointains que la conversation s’égrène de banalités.
Ce matin avant de quitter l’auberge je suis passé dans la salle du petit déjeuner pour prendre congé d’Yves. Rien n’indique que nous nous reverrons un jour.

Yves est assis au bout d’une longue table. La tête appuyée contre ses mains, il a l’air sombre. Il sera sombre, renfermé et grognon tant qu’il n’aura pas avalé un premier café. Devant lui sont disposés un panier en osier tressé rempli de croissants, une motte de beurre à la crème crue et un pot de confiture aux abricots, l’inégalable confiture « Marillen aus dem Weinviertel » produite tout à l’est de l’Autriche. Le café déposé par le serveur détend les traits du visage et Yves ne tarde pas à en commander un second. Il a posé sa guitare devant un sucrier, un poivrier et une salière. Ces éléments en verre à fermetures métallique marquent le milieu de la table.

À l’autre bout de la table, un jeune couple tente, comme Yves, d’émerger des limbes du sommeil. Ils ont la gueule de bois. Ils sont rentrés de la ville voisine au petit matin. En regagnant leur chambre à grand fracas, ils ont réveillé les occupants des trois autres chambres. Ils en sont à leur troisième café et essayent d’organiser la journée. Ils passeront vraisemblablement cette journée de beau temps enfermés dans leur chambre, volets clos.

À travers les fenêtres à croisillons de la salle du petit déjeuner on voit la plage et l’océan. La marée est descendante. On voit aussi Lise de dos. Cette jeune fille, vêtue d’une jupe et d’un chandail de couleur bleu pastel, fixe l’horizon. Elle passe quelques jours dans cette auberge pour apprendre un texte. Dans deux mois elle sera sur scène, jouant dans un classique du répertoire français.

Un client est entré dans la salle du petit déjeuner et à commander une bière. Il a garé sa voiture à côté de celle d’Yves. Il est de passage. Il doit avoir une vingtaine d’années. Il regarde dans le vide. Il est vêtu d’une paire de bottes noires, d’un jeans et d’une veste en cuir. Discrètement il vérifie si son couteau est en place dans sa botte gauche. Il braconne parfois.

Le jeune couple a finalement décidé de faire une promenade le long de la côte. Le serveur affalé dans l’office, yeux rivés sur l’écran de son téléphone, joue à un jeu virtuel. Le client s’est dirigé vers les toilettes. Lise songe à regagner sa chambre. Yves est parti en voiture à la recherche d’un coin de plage tranquille pour mettre au point une chanson qui figurera sur son prochain album.

Lise est surprise, elle pensait en entrant dans sa chambre avoir fermé la porte à clé.
La lame du couteau sortie de la botte, le corps de Lise qui s’affale sur la moquette, la clé tombée ramassée par une main gantée, la porte de la chambre refermée, la clé remise sur le porte-clés des chambres à la réception, trois minutes de temps suspendu brouillé par le moteur d’une Ford Galaxie qui démarre en trombe.

Posté par jeanjacques1957 à 12:35 - - Commentaires [6] - Permalien [#]
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