Un été au pied des Alpes - Il cielo
Le ciel observé à Brigue ce mercredi aux alentours de deux heures de l’après-midi
Traverse l'été - monte - dresse-toi,
Ô rose trémière - enjambe
le trellis de l'enclos,
toi, l'assoiffée
du jardin.
Quatre saisons, plusieurs lunes
Les poèmes trop courts
Pierre Voélin
Editions Empreintes 2022
Un été au pied des Alpes - L'Été, le bel été
16h57, solstice d'été
POETES
La tristesse des illettrés dans les ténèbres des bouteilles
L'inquiétude imperceptible des charrons
Les pièces de monnaie dans la vase profonde
Dans les nacelles de l'enclume
Vit le poète solitaire
Grande brouette des marécages.
Le Marteau et l'enclume
René Char
Un été au pied des Alpes - Encore un beau dimanche
DIMANCHES
Des champs comme la mer, l'odeur rauque des herbes,
Un vent de cloches sur les fleurs après l'averse,
Des voix claires d'enfant dans le parc bleu de pluie,
Un soleil morne ouvert aux tristes, tout cela
Vogue sur la langueur de cet après-midi..
L'heure chante. Il fait doux. Ceux qui m'aiment sont là..
J'entends des mots d'enfant, calmes comme le jour.
La table est mise simple et gaie avec des choses
Pures comme un silence de cierges présents..
Le ciel donne sa fièvre hélas comme un bienfait...
Un grand jour de village enchante fenêtres...
Des gens tiennent des lampes c'est fête et des fleurs..
Au loin un orgue tourne son sanglot de miel...
Oh je voudrais te dire...
Pour la musique
Léon-Paul Fargue
Éditions Gallimard, 1944
Un été au pied des Alpes - Embrasse-moi
La belle lumière du matin, un dimanche
Lignières, le jardin
C’était dans un quartier de la ville Lumière
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver
Elle était dans l’escalier
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
C’était la nuit
Ça sentait le soufre
Car on avait tué des punaises dans l’après-midi
Et elle lui disait
Ici il fait noir
Il n’y a pas d’air
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver
Le soleil du bon Dieu ne brill’ pas de notr’ côté
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers
Serre-moi dans tes bras
Embrasse-moi
Embrasse-moi longtemps
Embrasse-moi
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Ici on crèv’ de tout
De chaud de froid
On gèle on étouffe
On n’a pas d’air
Si tu cessais de m’embrasser
Il me semble que j’mourrais étouffée
T’as quinze ans j’ai quinze ans
À nous deux on a trente
A trente ans on n’est plus des enfants
On a bien l’âge de travailler
On a bien celui de s’embrasser
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Embrasse-moi !
Poème de Jacques Prévert
Extrait de « Histoires et d’autres histoires »
En été 1933, Prévert voyage en Tchécoslovaquie dans le Tatras. Il y écrit « Embrasse-moi » et « La Pêche à la baleine »
Un été au pied des Alpes - Laissez-vous emporter par le souffle du vent jusqu'au sommet de l'Augstmatthorn
te croire humide et fécondée
lumière qui gît
dans l'ossature de mes rêves obscurs
te croire blanche et fraternelle
comme une main qu'on serre
lorsque tout semble perdu
te loger dans la prunelle
de l'aurore grise
sous l'éventail des fougères
que le vent ne peut déployer
lumière qui n'a jamais
fécondé l'or devenu cendre
au creux de mes mains
Prêles, au soir 3 juin 1964
Francis Giauque (1934-1965)
Extrait de « Œuvres », Edition de l’Aire bleue 2005
ORTF 1961
Francis Poulenc
Concerto en sol mineur pour orgue, orchestre à cordes et timbales
Orgue : Maurice Duruflé
Orchestre National de l'Office de la Radio Télévision Française (ORTF)
Georges Prêtre
Le temps des fleurs - Orages
EN VACANCES
Le joli bras rond de l’allée
Mène à l'église du village,
Où Camélia tire sur les mains
Vieilles et froides de l'harmonium
Pour la messe du lendemain...
Je l'entendais chanter
De là-bas, où j'étais,
Comme j'allais sortir de la châtaigneraie
Par le chemin couvert où planent les argynnes
Que chasse le bruit du moulin...
Ça faisait si bien, ce chant grêle,
Comme un plaisir chevrotant de vieille,
Qui arrivait en lent courant,
Coupé de minces cris d'oiseaux,
Dans les parfums et dans les bruits,
Jusqu'au creux vert plein d'insectes drôles qui cousent
Où j'oubliais ma ville, où j'oubliais mes nuits…
Monsieur de Beaufort qui est un rêveur
Comme moi, je pense,
L'écoute aussi, à sa fenêtre...
Lui, demain dimanche, il jouera du cor
Jusqu’à midi...
Pour la musique
Léon-Paul Fargue
Éditions Gallimard, 1944
Orage : mercredi, jeudi, vendredi, samedi et ce dimanche soir (photographies)
Le temps des fleurs - Éclair
L’orage
Emile Verhaeren
Parmi les pommes d’or que frôle un vent léger
Tu m’apparais là-haut, glissant de branche en branche,
Lorsque soudain l’orage accourt en avalanche
Et lacère le front ramu du vieux verger.
Tu fuis craintive et preste et descends de l’échelle
Et t’abrites sous l’appentis dont le mur clair
Devient livide et blanc aux lueurs de l’éclair
Et dont sonne le toit sous la pluie et la grêle.
Mais voici tout le ciel redevenu vermeil.
Alors, dans l’herbe en fleur qui de nouveau t’accueille,
Tu t’avances et tends, pour qu’il rie au soleil,
Le fruit mouillé que tu cueillis, parmi les feuilles.
Emile Verhaeren
22h59, un coup de tonnerre retenti dans le petit village dans les montagnes
Grosse averse
Plusieurs éclairs
Coups de tonnerre
La saison des orages commence
Ici, ils sont toujours très violents
Nous sommes dans les Préalpes, à une encâblure des Alpes
La météo change très rapidement
Il faut surveiller le ciel quand on part en randonnée, surtout en été
Les mois d'hiver - « Le dehors et le dedans »
Ce n’est pas une fantasmagorie due à l’excès de doppios bus au Versa bar, la girafe qui fait le pied de grue sur les marches du théâtre de la Ville fédérale est habillée par un grand couturier de Paris.
Une chapka en peau de castor et une écharpe en vigogne réchauffent son cou interminable quand le mercure s'enfuit de son tube de verre.
Hommage à la géographie ancienne
Cartulaire de mon cœur
paroles du monde ancien
vieux mots usés et sages
qui pour un temps m'aviez fait compagnie
et si souvent porté secours
d'où me revenez-vous ce soir ?
bourdonnants, suspendus à mon cou
flammèches ou abeilles
sur l'étole du prélat défroqué
Mots du secret, du souci et de l'ombre
murmures, portée de rats, fourrure du souvenir
frileusement nichés sur mes genoux
que d'anxiété dans ces brillantes prunelles
qu'attendez-vous encore de moi?
voilà si longtemps que nous nous sommes quittés
Il fait noir dans la cuisine
un peu d'alcool brille au fond du verre
tu te tais alors qu'il faudrait que tu hurles
Judas des mots
et tu n'as pas fini de payer ton silence
Genève, hiver 1977
« Le dehors et le dedans »
Nicolas Bouvier
Les mois d'hiver - Charles
Une charogne
Charles Baudelaire
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s’élançait en pétillant
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !
Il automne - Fin de saison
Spiez
La piscine ferme ses portes en fin d'après-midi, la saison s'achève.
Quoi de neuf ?
Sonate d'automne, nuit fraîche, une couverture grise dans le ciel empêche les étoiles de voir la lune pleine.
Rentrer, le soir
Une allée de jardin botanique, avec beaucoup de ciel
rouge au-dessus des arbres humides. Et un père, une mère
des aciéries qui y ont mené leur petit enfant.
Puis, du côté du soir, les toits sont une main qui tend à
une autre main une pierre.
Et c’est soudain un quartier de boutiques basses et
sombres, et la nuit qui nous a suivis pas à pas a un souffle
court, qui cesse parfois ; et la mère est immense près du
garçon qui grandit.
Yves Bonnefoy (Rue Traversière)