Les enragés de la cigarette fument au lit. Comme cette voisine, il y a une cinquantaine d’années qui avait mis le feu à son lit. Elle racontait sa mésaventure à ma mère, et, tout en mimant la carbonisation des draps, oreiller et duvet disait « J’étouffais, madame, j’étouffais » et nous derrière, ma sœur et mon frère, nous étouffions de rire.
Les enragés du livre, j’en fait partie, lisent au lit. Plongé dans le premier chapitre d’un roman d’Antoine Blondin « Les enfants du bon dieu », un roman parfait pour une lecture nocturne d’un début d’été, un roman de plage, mais ici, à plus de 1000 mètres, les plages sont rares, un événement m’éloigne du texte composé en Garamont c.12. Un troupeau de vaches passe au loin avec force sonnailles. Je regarde le réveil, le réveil me regarde et me confirme que dans exactement quinze minutes il sera deux heures. Ainsi donc à deux heures du matin, on transvase des vaches d’un alpage à l’autre. On entend le paysan qui hurle des encouragements et le chien de ferme qui jappe. Ciel, il est deux heures, il serait temps de dormir. Les ronflements d’un voisin, qui dort avec la fenêtre entrouverte, comme chez Le Goût (ICI) qui a toujours la fenêtre de la cuisine entrebâillée « à l’espagnolette », un entrebâillement qui permet à des effluves de viande grillée de raviver des souvenirs au roi de la chronique qui nous tourne un billet comme on les aime, des ronflements qui me parviennent par une des fenêtres de ma chambre ouverte en bascule été comme hiver, h24 comme disent les jeunes, des ronflements qui bercent mon endormissement. Je suis tiré de mon premier sommeil par des cloches de vaches, encore un troupeau en vadrouille, inquiet, le réveil m’annonce qu’il est bientôt trois heures, qu’il en a marre de faire des heures supplémentaires, la litanie habituelle…
Cette fois-ci, le son s’éloigne, revient, s’éloigne à nouveau, cris humains, aboiements.
Il est clair, le paysan entraine ses vaches, avec cloches, pour le marathon des jeux olympiques de Paris. Il est en effet prévu que la course mythique se déroule de nuit pour éviter les chaleurs caniculaires annoncées pour juillet.