Un été au pied des Alpes - Laissez-vous emporter par le souffle du vent jusqu'au sommet de l'Augstmatthorn
te croire humide et fécondée
lumière qui gît
dans l'ossature de mes rêves obscurs
te croire blanche et fraternelle
comme une main qu'on serre
lorsque tout semble perdu
te loger dans la prunelle
de l'aurore grise
sous l'éventail des fougères
que le vent ne peut déployer
lumière qui n'a jamais
fécondé l'or devenu cendre
au creux de mes mains
Prêles, au soir 3 juin 1964
Francis Giauque (1934-1965)
Extrait de « Œuvres », Edition de l’Aire bleue 2005
ORTF 1961
Francis Poulenc
Concerto en sol mineur pour orgue, orchestre à cordes et timbales
Orgue : Maurice Duruflé
Orchestre National de l'Office de la Radio Télévision Française (ORTF)
Georges Prêtre
L'été de tous les dangers - Un concert à Yverdon, une pivoine dans un vase, un voyage en train, funiculaire, car postal, voiture
Pour prendre en photo cette pivoine blanche dans un vase, j'ai quitté le petit village dans les montagnes en car postal, un premier train avec un changement dans la Ville fédérale, un deuxième train. À la gare de Neuchâtel, funiculaire pour descendre en ville. À l’extrémité du Jardin anglais, le buste d’Alice de Chambrier, une poétesse neuchâteloise morte à l’âge de 21 ans. Passage dans une librairie située place Pury pour récupérer une commande, un livre de Pline l’Ancien : Histoire naturelle.
Montée à la gare en trolleybus. Train jusqu’à Gléresse. Je snobe le beau paysage du lac de Bienne et de l’île Saint-Pierre, où vécu brièvement Rousseau. J’ai le nez plongé dans l’Empire romain. Funiculaire Gléresse – Prêles, Prêles village du poète Francis Giauque (ICI), de là, car postal à destination du village des vacances de mon enfance.
Le soir, aller et retour à Yverdon en voiture pour assister au concert du 30e anniversaire du cœur Crescendo.
Poème
ensevelis hors du préau
où s'enflamment les lambeaux de l'été
nous n'auront plus qu'un ciel de boue
pour imprégner nos visages captifs
de la lourde étreinte des profondeurs
Francis Giauque (1934 - 1965)
Extrait de "Terre de dénuement"
paru dans "Oeuvres", Éditions de l'Air 2005
De Lisbonne à prêles, avec Les Doors et Amália...
Une version surprenante de l'adagio d'Albinoni par Les Doors,
THE DOORS - ALBINONI ADAGIO.
EN ÉCOUTANT L'ADAGIO D'ALBINONI
Je suis avec vous
angoissés
garrottés au fond des geôles
de la disgrâce
je suis avec vous
qui meurtrissez vos poings
aux aspérités
des murailles qui vous enserrent
maudits rejetés par la mer
comme des poissons crevés
ensablés dans les dunes
d'un monde hostile et muet
je suis avec vous
pendant qu'on enfonce les clous
dans les pieds et les mains du Christ
Prêles, le 2 juin 1964
FRANCIS GIAUQUE (1934 - 1965)
Amália Rodrigues Cheira a Lisboa
Amália Rodrigues Fado Português
Amália Rodrigues. Lisboa à noite. Amsterdam 1958
Lisboa à Noite
Amália Rodrigues
Foi ver uma toirada, depois bailou, bebeu.
Lisboa ouviu cantar o fado
Rompia a madrugada quando ela adormeceu.
Lisboa não parou a noite inteira
Boêmia, estouvanada, mas bairrista
Foi à sardinha assada lá na feira
E à segunda sessão de uma revista
Dali p'ro Bairro Alto enfim galgou
No céu a lua cheia refulgia
Ouviu cantar o fado, então sonhou
Que era saudade aquela voz que ouvia
Compositor: Fernando Santos e Carlos Dias
Uma casa portuguesa - Amália Rodrigues
...
l' vent chasse les feuilles
dans les flaques d'eau
l'hiver s'amène
givré de brouillard
et toi te v'là
ta solitude
autour du cou
comme un collier
Francis Giauque (1934 - 1965)
...Bourrasques de neige...
Quand je mourrai
Demain s'il se peut
Enterrez-moi
Dans une terre humide
Et lourde de chaleur
Que la voûte de planche
Etoile mon sommeil
Que personne ne pleure
Moi qui ne sus pas vivre
Je pourrai enfin m'élever
Dans la nuit au son clair
Francis Giauque (1934 - 1965)
Lentement je me délabre
comme une maison abandonnée
dont les murs disloqués
se démembrent au vent du soir
mars 1965
Francis Giauque (1934 - 1965)
*******************
Ce matin, dans la nuit, sous une tempête de flocons, je suivais à petite vitesse deux chasse-neige. Nous étions une file de cinq ou six voitures et deux camions. Dans l'habitacle, il faisait chaud, les haut-parleurs crachaient à plein poumon le "Concerto en sol mineur pour orgue, orchestre à cordes et timbales" de Francis Poulenc. Ce cortège insolite, perdu dans les bourrasques de l'hiver, était en fusion avec la musique somptueuse de Poulenc. La voiture était devenue un vaisseau, porté par la musique des cordes, qui fendait l'éther, dans une nébuleuse au-delà de la Voie lactée... J'ai soudain pensé à Francis Giauque. Ce poète que l'angoisse et le désespoir menèrent à une fin tragique, un jour de mai 1965. Nous passions à quelques encablures de son village. A un croisement, dans une dernière envolée d'orgue, tout se dissipa.
Poulenc - Organ Concerto - Duruflé
Concerto en sol mineur pour orgue, orchestre à cordes et timbales
Orgue: Maurice Duruflé
Orchestre National de l'Office de la Radio Télévision Française (ORTF)
Direction: Georges Prêtre
L'été russe - ...
marcher encore
où sont les fontaines
d'abondance
à minuit
sur les routes
du déchirement
Francis Giauque (1934-1965)
L'été russe - ...
soleil éteint
rongé au ver
D'une rouille
Incertaine
J'aligne
des mots
aveugles
pour étoiler
Un ciel en
loque
Francis Giauque (1934-1965)
L'été russe - Ô château
fontaines sans eau
puits vides
source taries
oasis asséchée
âmes à la dérive
poings meurtris
yeux brûlés
rien
Prêles, 24 juin [1964] matin
Francis Giauque
Photographie: Le château de Berthoud, mercredi 21 juin 2017
Le ciel
comme un orage
à bout de souffle
l'angoisse s'apaise
au crépuscule
l'animal traqué
trouve enfin le repos
dans les méandres
de l'obscurité
Francis Giauque
Le ciel, ce soir, à Grosshöchstetten... Vers 21h00