Novembre
Novembre s’achève dans le froid.
Le mercure passe sous la barre du zéro degré…
Pour se réchauffer, il faut s'engouffrer dans la salle de l'Adriano's bar, choisir le banc sous lequel les tuyaux du radiateur, chauffés à blanc, tentent de rivaliser avec les chaleurs de l’été… On peut alors disséquer son spleen en buvant des doppio Malabar. La lecture de la presse du jour plonge l'esprit dans la terreur!
Une carte de A., jetée pêle-mêle, avec les factures ordinaires, dans la boîte aux lettres, me donne l'envie de répondre sur le champ. Cloué au lit, rongé par la vieillesse, lui, a des mots plus crus pour évoquer son état, il se plaint gentiment de l'assèchement du réservoir de ma plume...
Cet appel au secours laisse songeur. D’un côté, il y a cette correspondance, commencée il y a plus de 20 ans, avec mon ami A. Un échange de lettres et de cartes qui rythme les saisons. De l'autre côté, il y a une vie virtuelle, envahissante, qui bien souvent flatte l'égo. Ces sirènes d'un nouveau temps retiennent captif leur victime par des artifices grotesques, qui gonfle d'orgueil l'imprudent voyageur qui chemine sur la toile électronique. Elles laissent miroiter au pauvre hère, une notoriété universelle, des millions de suiveurs, des tonnes de « j'aime » au bas de chaque photo publiées, une vie sociale en « live » partagée avec des centaines d'amis, la moindre miette de pain est une nouvelle importante, objet de toutes les attentions, elle sera balancée sur les réseaux sociaux sous forme de pixels de divers formats!
Mon ami A. est totalement ignorant des applications qui permettent de gonfler le compteur de suiveurs, des algorithmes qui en une fraction de seconde savent tout de notre vie et nous bombardent de publicités ciblées.
Je vais saisir ma plume et essayer de raconter à mon vieil ami, de façon poétique, ce fatras électronique qui peu à peu englue nos esprits vers une pensée unique…
Le soleil se fout complètement de ces histoires d'adresses IP. Il se couche en beauté alors qu'un avion emporte au loin le dernier carré de nos libertés.