Les mouches collaient à la peau aujourd’hui. Elles étaient trois à courir sur l’avant-bras, à se poser sur le front, à plonger sur le fromage ou danser sur le pain grillé du déjeuner. En milieu de matinée elle se sont enfuient par la porte fenêtre ouverte sur la montagne. Le soleil à moitié caché par des nuages, nuages qui disparaitront en début de soirée, a sonné les cloches de l’église, comme tous les matins à onze heures. À quatre heures de l’après-midi, ce sont des souris grises qui sonnent les cloches du temple. On entend ces sonnailles jusque très haut dans la montagne. Montagne très calme ce soir, aux alentours de dix heures, peu à peu les fenêtres des fermes posées en équilibre sur les pâturages pentus s’allument. Au loin on entend un cœur d’homme répéter la youtse, et plus loin les cloches des vaches qui broutent les herbes folles qui poussent au bord des précipices.
Les Alpes dans les nuages, le Mönch vu depuis Interlaken cette après-midi L'Augstmatthorn en début de soirée, vu depuis le balcon
APRES TROIS ANS
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, Je me suis promené dans le petit jardin Qu’éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.
Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle De vigne folle avec les chaises de rotin... Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent ; comme avant, Les grands lys orgueilleux se balancent au vent, Chaque alouette qui va et vient m'est connue.
Même j'ai retrouvé debout la Velléda, Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue, - Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.
Poèmes saturniens Paul Verlaine Editions de Cluny, 35 et 37 rue de Seine - Paris VI, 1942
Le 5 juin, j'ai filmé le jardin de Lignières, le village des vacances de mon enfance, dans la belle lumière du soir.
Lignières Le jardin La belle lumière du soir
Lignières Le jardin La belle lumière du soir Filmé le 5 juin 2023 Images, montage, réalisation Jeanjacques666
Le petit village dans les montagnes Pavots à fleurs de pivoine, le bleu au premier plan c'est de la bourrache. Les fleurs de la bourrache sont comestibles, elles ont un goût d'huître.
10h20, wagon-restaurant de la Deutsche Bahn, Interlaken-Berne (le train arrivera ce soir à Hambourg Altona), espresso genre tord-boyau, croissant au beurre tiède et délicieux, lecture, une lecture qui se déguste lentement, comme un vrai espresso, un texte qui sied bien à ce train qui semble flotter au-dessus de la voie ferrée.
11h30, doppio au Versa bar. La une de la prestigieuse NZZ, consacrée à la France, titre : « La situation dans les villes françaises est explosive »
13h25, Tibits, petite collation, espresso et lecture de la presse. Le quotidien Le Temps titre en une : « Les banlieues françaises brûlent de rage. »
17h30, cafetière italienne à la maison
Après avoir ingurgité tous ces cafés, le brouillard s’est installé dans le petit village dans les montagnes !
Un orage en fin d’après-midi De la pluie A l'arrêt du car, ce matin, entendu des propos pessimistes entre un paysan qui rentrait un chargement de foin et une dame du village. La dame disait que c'était bien d'avoir ce beau temps pour la période des foins. Lui, il a dit qu'il maudissait ce beau temps. Les vaches sur les alpages n'ont pas d'herbe, la production de fromage d'alpage tourne au ralenti. Le fromage d'alpage est une plus-value importante dans l'équilibre du budget et que sans pluie il n'y aura pas de regain, donc pas assez de fourrage pour l'hiver... Et pendant ce temps-là, sur une chaîne de télévision française, une émission propose un changement de vie à des citadins qui veulent vivre à la campagne, dans une maison si possible avec une piscine... L’agent immobilier dit que c’est important une piscine, lors de la revente de la maison il y aura une belle plus-value. Malheureusement il n’y aura pas assez de meules de fromage d’alpage pour remplir les piscines !
J'ai filmé l'orage du 20 juin :
Le petit village dans les montagnes Orage Filmé à Habkern le 20 juin 2023 Images, montage, réalisation Jeanjacques666
Jour de paie = jour de déprime. Jusqu'à quand me faudra t-il supporter ça? J'ai de plus en plus de mal à l'accepter et je sens que bientôt, un simple «Such is a life!» ne suffira plus à me contenter!
Yasujiro Ozu Carnets 1933 - 1963
Le jardin de Lignières, cet après-midi Deux pavots de hasard
La consigne du Goût. On lit le Goût ICI Il me semble que Lakevio avait déjà proposé cette toile de Harold Harvey mais j’aime beaucoup cette toile alors il ne me reste plus qu’à trouver une autre idée pour éviter de me faire taxer de « recyclage ». Le moment étant à l’été et aux balades dans les prés, auriez-vous par hasard une idée de ce que pensent ces deux enfants pendant cette halte champêtre ?
Note Par un curieux hasard la proposition du Goût, pour le devoir de ce dernier lundi de juin, me donne l’occasion de terminer une histoire qui laissait entrevoir une suite, à la fin du texte la mention « à suivre » donnait l’illusion que rien n’était terminé. Les acteurs retrouvés jouent la fin de cette comédie humaine. Le début se lit ICI
Et la fête continue Il était en tenue d'été, couché dans l'herbe d'un parc parisien. Quelques fleurs de dent-de-lion égayaient la pelouse. Certaines fleurs étaient déjà en graine. Ce sont ces boules blanches qui s'éparpillent quand on souffle dessus, ce geste est immortalisé sur la couverture du Larousse, avec cette maxime, écrite au-dessus des graines qui s'envolent, « je sème à tout vent ». Le 8 mai 2017, après s’être embrassé langoureusement avec Marine, Emmanuel avait jeté sa veste sur son épaule et, avant de s’enfoncer dans sa nouvelle vie, avait donné rendez-vous à Marine dans cinq ans dans ce parc parisien où les pissenlits s’égayent.
Une pandémie s’était, dans les années 20, insinuée dans le monde, perturbant le confort des uns, jetant dans la misère les autres, les plus démunis, eux les plus nombreux. Cette période où le masque chirurgical, paravent d’un virus nouveau, devint une source de pollution, on en débusquait jusque dans le lit des fleuves ; charrié par le courant des rivières il épousait les océans, sans doute qu’une multitude de tortues aquatiques médusées par cet objet non identifié moururent en dégustant la négligence des humains, cette période perturba également les projets d’Emmanuel.
C’est le 26 juin 2023, avec un an de retard qu’il retrouve Marine dans un parc parisien. Le manque de pluie a transformé l’herbe en amas brunâtre et sec, cette année pas de graines semant au gré du vent leur savoir. Emmanuel en tenue d’été, couché dans l’inconfort de la sécheresse regarde avec tendresse Marine et murmura « les liens avec ma famille depuis la mort de mon père sont détendus. Nous pourrions… » - Maman, maman… Une bambine de cinq ou six ans, s’agrippant à la jupe de sa mère transforme les paroles murmurées en un grand éclat de rire. Blême, Emmanuel interroge, « tu es mariée Marine ? » - Absolument pas - Cette gamine ? Marine danse avec sa fille sur l’herbe devenus poussière - Cette gamine ? C’est Emma, notre fille !
Marine et Emmanuel scellent leur union par un baiser langoureux. Le trio s’engage dans l’allée centrale dans un joyeux tintamarre. En sortant du parc, ils passent, sans la remarquer, devant une œuvre de Banksy crayonnée sur la colonne de pierre frontière entre la rêverie et la vraie vie, Bansky « l’inconnu le plus connu du monde », la star de l’art urbain, celui qui manipule, intrigue et a réussi à mettre en ébullition la planète artistique mondiale. Ses œuvres arrachées à la pierre par des voleurs atteignent des millions de dollars dans les ventes aux enchères. La petite troupe qui chantait à tue-tête une chanson qui eut son heure de gloire au firmament des années 1950, traversa la rue et disparu dans le soleil tout en continuant sa chanson, la,la,la,la…
Dix ans plus tard, on apprendra en lisant une des rares feuille de chou qui s’imprimait encore, qu’ils s’étaient mariés, vivaient heureux et avaient une ribambelle de gamins.
- Mais... c'est l'intervention de cette grosse femme... C'est un ptit peu... enfin... ça va très loin.
- C'est là que je me rends compte que malheureusement, je vous ai beaucoup moins bien réussi que le porc.
Pierre et Thérèse.
Le père Noël est une ordure