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Rêveries
lakevio
30 novembre 2020

Un automne masqué - Nuit 4/16 - La larme

 homme qui pleure.jpg

Devoir de Lakevio du Goût N°59

Le Goût ICI dit :

Qu’arrive-t-il à cet homme ?
Que subit-il pour être aussi triste ?
Que vous raconte cette toile d’Arielle Lange.
J’espère que nous en saurons plus lundi.

Lundi 29 novembre. Le brouillard au-dessus de la Ville fédérale fait comme un couvercle. Depuis des jours, le soleil ne perce pas la couche de gris. Les bars sont fermés, le monde de la nuit est à l’arrêt, les musées, cinémas et théâtres sont déserts. A partir de ce soir, les restaurants fermeront à 21 heures. Le Zibelemärit, le fameux marché aux oignons qui devait se tenir ce lundi et attirer des foules de toute la Suisse s’est tenu en catimini, réparti sur plusieurs jours et disséminé dans la vieille ville. Pas de confetti, pas d’attroupement, pas de carrousels. Le 11 du 11 à 11h11, à Bärenplatz, trois personnes masquées et masquées, ont tenu à respecter la tradition de l’ouverture du carnaval. Un carnaval qui n’aura pas lieu. Pour paraphraser la dame à la voix synthétique, qui annonce le motif d’un retard dans un Inter City reliant Genève à Zurich, « un coronavirus en est la cause ! »

Dans cette grisaille ambiante, Line, chaudement vêtue, se hâte de rentrer chez elle. En passant devant les fenêtres de la cuisine du rez-de-chaussée, elle s’arrête et éclate de rire en voyant œuvrer le cuisinier. C’est Luigi.
Line ajuste son masque chirurgical et entre dans la cuisine. Elle reste sur le pas de porte.
- Salut Luigi. Pourquoi tu as une cuillère dans la bouche ?
Le cuisinier à le dos tourné. Il grommelle une réponse que Line ne comprend pas. Le bruit du couteau qui coupe finement des légumes sur une planche en bois a des airs jazzy. 
- J’ai vu dans un épisode du journal filmé de Marie Roland, un gars qui faisait ça en coupant des oignons. Il dit que les particules se concentrent dans le creux de la cuillère. Un moyen pour éviter de pleurer.
- Et ça fonctionne ce truc, demanda Line hilare ?
- Sur lui, oui dit Luigi en se retournant.
Une larme coule le long de sa joue !


P.-S. Ce texte se lit en noir et blanc, grisaille oblige, et en buvant un espresso.
L'épisode du journal filmé de Marie Roland c'est ICI

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14 septembre 2020

L'été de la pandémie - Le polar du lundi

devoir de Lakevio du Goût_470.jpg

48e devoir de lakevio du Goût

Le Goût ICI dit :

Mais que diable vient-elle d’apprendre ?
Cette toile qu’on pourrait croire de Hopper si cette impression de joie ne venait assurer qu’il ne pouvait avoir peinte vous inspire-t-elle ?
Si oui, il faudrait que vous y glissiez les mots :


- Amour.
- Sandwich.
- Lèvres.
- Téléphone.
- Besoin.
- Tournevis.
- Caleçon.
- Seins.
- Gare.
- Cheveux.
- Toilettes.

 

Elle ferma la porte de l’appartement de deux tours de clé, laissant le petit vestibule dans la pénombre. Sur le guéridon ovale, Louis XV, signé Jean-Baptiste Galet, Paris vers 1770, éparpillés sur le marbre, autour d’une théière « Vieux Luxembourg », un panier en osier contenant des figues de barbarie et trois poires Williams du jardin, une assiette blanche remplie de tomates bio, un compotier d’où exhalait le parfum de williams rouges en attente d’être croquées et, posées à même le marbre, des pommes Red Love à chair rouge. Une pomme spectaculaire pour l’œil, la chair un peu farineuse atténuant l’enthousiasme. Deux cheveux blonds, échappés de la crinière de la marchande de fruits avaient glissé au pied du guéridon. La sonnerie du téléphone résonna dans la cage d’escalier. C’était la puissante sonnerie du locataire du troisième étage.

En sortant, elle se trouva nez à nez avec le chat du premier étage. Elle appliqua un masque chirurgical sur son visage. Une pandémie compliquait la vie de la Terre entière. 

Elle avait du mal à respirer en portant le masque et depuis qu’une épaisse fumée obscurcissait la ville, elle ne respirait plus du tout. 
La forêt qui cerne la ville brûlait depuis des jours. Avec détermination le feu s’approchait des quartiers périphériques. L’aéroport était fermé. Il était impossible de piloter des aéronefs dans cette fournaise. La route et la voie ferrée permettaient de quitter cette apocalypse par une large vallée désertique. 
Elle s’engouffra dans un taxi. Elle portait un tailleur rouge dessiné par son amie Gabrielle et des chaussures noires à talons. Un sac en cuir et daim tressé noir de chez Balmain, en bandoulière sur son épaule gauche, contenait une réserve de masques, du gel hydroalcoolique et quelques affaires.
Le chauffeur du taxi avait mis le volume de la radio à fond. Lynda Lemay chantait « Les souliers verts », une chanson de 1998.

Elle se hâtait pour ne pas manquer son rendez-vous, fixé à 15 heures devant l'ancien buffet de gare, devenu depuis longtemps une enseigne de vente à l'emporter made in USA ! la fumée devenait de plus en plus dense et l’air se raréfiait. Elle le repéra, ombre chinoise devant la vitrine, dans son éternel pardessus gris à poches larges. Les manches de sa chemise dépassaient et on distinguait des boutons de manchette en or. Il avait posé une valise à ses pieds et tenait un bouquet de Black Night, une hybride de thé, crée en 1975 par Huber.
Elle lui sauta au cou. Elle aimait, quand il la prenait à bras le corps, avoir ses seins compressés contre sa poitrine. Elle collait ses lèvres aux siennes, jetait ses jambes en arrière. C’était sa façon de sceller leur amour. Dans ce moment-là, elle n’avait besoin de rien.

Il lui glissa à l’oreille, - Un billet de chemin de fer est agrafé à l’intérieur de l’emballage des roses. Dans la valise il y a un sandwich, une bouteille d’eau et page 156 du livre des instructions. Le réseau est grillé. Plan C.
Il s’embrassèrent une dernière fois. Ils ne se reverraient pas avant plusieurs mois, peut-être jamais.
Ils disparurent, enveloppés dans les volutes des incendies de forêt.

Quand la police boucla le périmètre de la gare, elle ne trouva qu’un caleçon qui traînait sur le sol devant les toilettes De la poche de ce caleçon, vert à pois rouges, dépasse un tournevis.
Le train avait passé la frontière et la jaguar du colonel s’était éclipsée dans la nature.

16 décembre 2019

Les mois d'hiver - Dites, si c'était vrai

20ème devoir de Lakevio du Goût

Le Goût ICI dit :
"Cette toile de Claude Guilleminet, avec son bœuf et son âne gris, me rappelle quelque chose, mais quoi ?
Je trouverai bien quelque chose à vous en dire.
Je suis sûr qu’à vous aussi elle va inspirer une belle histoire.
Alors lectrices et rares lecteurs mais chéris aussi, je compte bien vous lire lundi…"

claude-guilleminet-ane,-vache-et-poules-dans-une-étable.jpg

La chaîne avait cédé sous la cisaille, un coup de pied dans la porte laissa une ouverture.
-Viens Marie.
Le temps était exécrable, des vents violents balayaient le globe. Les banquises fondaient, les océans se gonflaient. Les plaques tectoniques se percutaient avec violence. Une pluie diluvienne gorgeait le sol d’eau glaciales. Le chaos régnait sur la terre.
La énième conférence sur le climat avait échoué. Cela faisait des décennies que l’on tergiversait. Il était trop tard.
- Marco ? … Ta meuf est là ? … Tu peux me la passer … Marie va accoucher …
Il faisait nuit, le vent s’engouffrait dans l’étable que Joseph venait de squatter. Il tenta de refermer la porte, alluma une torche électrique et vit qu’ils n’étaient pas seul.
- Merde mon téléphone n’a plus de batterie, 12%, grogna Joseph.
Des tuile s’envolait du toit sous la violence du vent. Plusieurs gouttières transformaient peu à peu le sol en magma boueux.
Ils n’étaient pas seuls, un âne et un bœuf tremblaient dans un coin de l’écurie.

« Entre le bœuf et l'âne gris
Dort, dort, dort le petit fils

Mille anges divins
Mille séraphins
Volent à l'entour
De ce grand Dieu d'amour »

Ce chant oublié depuis longtemps, gribouillé sur une feuille de papier jaunie était punaisé sur le mur de l’étable.
Il fut un temps ou l’on fêtait Noël, la naissance de Jésus. De Noël, cela avait glissé en fêtes de fin d’année, en folies commerciales.
Ce 24 décembre au soir, personne ne pensait à ces traditions de Noël. Il fallait trouver des abris, se battre pour se nourrir.
Une cloche battue par les vents, quelque part au loin, sonnait le tocsin.
- Enfin te voilà Julie, cria Joseph.
Le vent faisait tellement de bruit que les conversations étaient impossibles.
Joseph trouva un recoin à l’abri des courants. Il alluma une clope, pendant que Julie s’occupait de Marie.
Des pleurs retentirent. Un enfant venait de naître. Aussitôt le ciel se couvrit d’étoiles. Le silence se fit. Un puit de lumière éclaira l’étable. L’âne et le bœuf réchauffaient de leur souffle l’enfant nouveau-né. Des anges chantaient dans les cieux.
Des bergers qui passaient par-là, s’empressèrent de colporter dans le voisinage l’étrange scènes qu’ils avaient vu dans cette étable délabrée.

Assis sur les ruines de sa maison, détruite par un tremblement de terre, un enfant d’une voix aigrelette chantait
« Mille anges divins
Mille séraphins
Volent à l'entour
De ce grand Dieu d'amour »

Jacques Brel - Dites, si c'était Vrai (Poème) 1958

18 novembre 2019

Aqua alta

 

 

vélo.jpg

 Peinture de Miki de Goodaboom

Devoir de Lakevio N° 16 (ICI)

Aqua alta

"J’aime la façon dont tu as agencé ton salon. Ce canapé moderne au milieu de ces quelques meubles anciens est bien choisi. Il y a juste la croûte qui surplombe le canapé qui détonne !"

Paul sourit. Il avait acquis le tableau, installé sur la paroi en bois du salon, au début des années 1980. Le peintre était inconnu à l’époque. La toile peinte en 1977, pour les 30 ans du Tour de Romandie, montrait le sprint d’une arrivée d’étape. On y voit Gianbattista Baronchelli (vainqueur du Tour 77) en tête suivi de Joop Zoetemelk (2e du tour 77), le peloton les talonne. Les grands noms du cyclisme figurent dans le palmarès de cette course à étapes qui se déroule en début de saison. 

Bartali, Kübler, Koblet, Bobet, Motta, Merckx, Gimondi, Thévenet, Van Impe, De Wlaminck, Hinault, Roche, Rominger, Indurain, Richard, Jalabert, quelques coureurs parmi tant d’autres qui sont montés sur le podium du Tour de Romandie. 

"Ce tableau a été peint par VVG" dit Paul
"Alors ce n'est pas une croûte. Tu l'as acheté combien ? Il est assuré ?"
"J'adore ta façon de concevoir l'art, mon neveu. Il y a cinq minutes c'était un tableau au-dessous de tout et maintenant tu es intéressé !"
"Un VVG ..."
"Pour moi c'est un souvenir de ma région, plus insolite qu'un Charles L'Eplattenier. Et puis, c'est plus intéressant d'acquérir une oeuvre d'un peintre qui débute. Cela lui permet de vivre, ou plutôt survivre. VVG est devenu très connu et hors de ma bourse. Quant à assurer ce tableau, autant acheter un tableau par an. C'est un puits sans fond les assurances d'œuvres
 d'art. L'argent ne remplacera pas le tableau perdu ..."


Une sirène retentit.
"Qu'est-ce que c'est ?" demanda le neveu
"C'est l'alerte de l'aqua alta. Trois sons crescendo, la marée sera importante !"
"Mais il n'y a pas de marée ici, c'est pas l'Océan" dit le neveu avec aplomb.
"Au lieu d'avoir le nez en permanence plongé sur l'écran diffuseur de jeux vidéo, regarde ce qui se trame autour de toi"
"Alors, la grosse inondation de l'autre jour, c'était une marée géante. C'était super drôle, j'ai fait plein de photos."
"Oui, c'est du plus haut comique" ironisa Paul "Venise se détruit, c'est très amusant !"
La sirène retentit à nouveau.
"Bon, mon garçon, il est temps que tu regagnes ton hôtel. Dans une heure ce sera difficile. Passe demain vers midi. Il est temps que je te fasse découvrir la Sérénissime."
"la Sérénissime ?"
"La Sérénissime république de Venise, en vénitien : Serenìsima Repùblica Veneta" Chuchota Paul à l'oreille de son neveu.

L'appartement avait retrouvé son calme, la course cycliste avait repris son cours. Paul, triste, regardait depuis la fenêtre du salon l'eau monter. Il se dirigea vers la bibliothèque, tira du rayon du bas un disque 33 tours 1/2 minutes et le plaça sur le tourne-disque. "Verte campagne" chanté par Les Compagnons de la chanson résonna dans la pièce. Fred Mella venait de mourir. C'était le dernier Compagnon ...

Verte campagne Les Compagnons de la chanson - youtube

 

14 octobre 2019

La Vltava

Devoir de Lakevio du Goût N° 12

Aldo Balding.jpg

Vous avez déjà une idée de ce qui surgit de cette toile d’Aldo Balding. Racontez l’histoire que vous avez à coup sûr imaginée et prévenez en le disant en commentaire du devoir que je vous présenterai lundi. Le Goût, c'est ICI

 

La Vltava roulait des eaux automnales. Sur les égoportraits envoyés aux quatre points cardinaux, au moyen de I-Truc et autres androïdes, le bleu de la plus longue rivière de la République tchèque, en arrière-plan des sourires de circonstance, plus généralement on tirait la langue, montrait des bleus fantaisistes obtenus par l’artifice de logiciels pernicieux qui permettaient surtout de s’offrir des chirurgies esthétiques à moindre frais, exemptes de complications sanitaires. La vie sur la toile virtuelle est une si jolie vie !

 

Le pont de pierre qui relie Staré Město pražské au quartier Malá Strana, était presque désert. Un soleil d’octobre, tiède et lumineux inondait de ses rayons l’ouvrage vieux de plusieurs centaines d’années. Une femme marchait en direction de la vieille ville. Un homme la dépassa, fit volte-face et lui lança « Patricia sur le Pont Charles, quelle bonne nouvelle ! » Elle s’arrêta. De dos, elle avait l’air d’une madone. Le soleil irradiait sa chevelure. Elle l’interrogea « Vous foutez quoi ici ? » Elle n’avait rien perdu de sa verve. « Vous vous souvenez de notre dernière rencontre ? », elle grimaça, après une brève hésitation elle tenta « En 2004, à la fête de mes 40 ans ». « Archi faux, en 2012, Cité des Doges, Harry’bar, à la table qu’occupait Ernest ». Elle éclata de rire, et ajouta « Vous lisiez Paris est une fête dans une édition revue et augmentée parue chez Gallimard en 2011, na ! » Il resta songeur. Elle compléta « Vous aviez acheté l’exemplaire à la librairie Descombes, à Genève, juste avant sa fermeture définitive »

 

Ils s’étaient connus à Genève à la fin des années septante. Ils avaient écumé bars, discothèques, salles de cinéma, de concert et de théâtre de la cité de Calvin. Ils avaient fait l’amour dans une loge du Grand Théâtre lors d’une générale. Ils étaient souvent, dans leurs virées nocturnes, accompagnés d’une bande de joyeux fêtards. Ils étaient amis, parfois amants. Enfant unique, ils se considéraient comme frère et sœur. Par jeu, pour épater la galerie, à l’époque de leur rencontre, ils avaient décidé de se vouvoyer. Ils n’avaient jamais dérogé à cette règle.
Ils se voyaient quand le destin les mettait sur le même chemin, comme ce lundi d’octobre à Prague.

 

« Vous êtes libre ? » lui demanda-t-il
« Jusqu’à demain à 11 heures »
« Ma chambre d’hôtel est une double » précisa-t-il.
« La mienne aussi, na ! »
« On tirera à la courte paille »
Ils parcouraient les derniers mètres du pont côte à côte, insensibles aux bruits extérieurs, en faisant des projets pour la journée.
Elle le tira par le bras « Vous avez lu le dernier Sagan ? »
« J’ai lu beaucoup de ses romans et de ses pièces de théâtre, mais pas ses dernières productions ».
« Je parle de son roman paru en septembre ».
« 2019 ? » demanda-t-il.
« Oui »
« Apprenez ma bonne dame, que Françoise est morte en 2004 ! »
« Apprenez mon bon ami que les mystères de l’édition sont insondables. Un manuscrit éparpillé, rabiboché par un fils aimant, qui concocte des préfaces pour les rééditions des romans de sa mère et qui a la chance de préfacer un inédit... »
« Oui, je vois... ».
Il prit Patricia par le bras. Il lui demanda si elle avait lu le roman.
« Il est en lecture, actuellement en attente dans ma chambre d’hôtel ».
« Donc, pas besoin de tirer à la courte paille, affaire conclue »
Ils éclatèrent de rire. Ils iront à la place Venceslas, se recueillir sur le mémorial Jan Palach puis s’égareront dans la vieille ville sur les traces de Franz.
« Finalement vous ne m’avez pas dit ce que vous foutez ici ... »
La réponse se perdit dans le brouhaha ambiant.

Octobre 2020
Il trouva devant sa porte un colis. Il n’y avait ni expéditeur ni message d’accompagnement, juste un tableau. Il fut ébahi. De dos on reconnaissait Patricia avec sa chevelure irradiée de soleil. Lui était de face. Les pavés du pont Charles occupaient une grande place du décor. Au fond, en légère ombre chinoise, la vieille ville de Prague. La toile était signée Aldo Balding et datée d’octobre 2019. Quelques jours plus tard, le tableau avait été encadré et trouvé sa place dans le salon du bénéficiaire de ce souvenir inattendu. Entre deux Baratelli*, le Balding attirait le regard.

 

Octobre 2021
Patricia en rentrant chez elle, trouva, glissée sous la porte de son appartement, une lettre au parfum de mystère. Elle contenait un billet pour un concert accompagné d'un programme. Un chef d’orchestre prestigieux, des artistes connus et un programme alléchant ne manquant pas de retenir l’attention. Elle découvrit rapidement l’expéditeur de ce présent. Parmi les œuvres jouées, l'une était passée au surligneur jaune : Bedrich Smetana (1824 – 1884) La Moldau.
Rêveuse, elle pensa à cette rencontre sur le pont Charles et à la Moldau qui roulait des eaux automnales …

 

*Carlo Baratelli, peintre chaux-de-fonnier est mort en novembre 2017 à l’âge de 92 ans.

 

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7 octobre 2019

Le pont en pierre

Devoir de Lakevio du Goût N° 11

"Ce serait bien que ces mots, par lesquels vous commencerez votre devoir, vous inspirent :

« Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles… »

Et vous le terminerez par cette phrase de Patrick, non, pas « Patriiiick ! », l’autre, Modiano : « Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre, le soir, une voix qui m’appelle par mon prénom, dans la rue. » Entre les deux, vous contez sans compter… À lundi."
Le goût se lit ICI


Le pont en pierre

« Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles… »
Accoudé sur le parapet d’un pont en pierre qui surplombe la rivière, je fixe l’eau sombre. Les arbres, touffus à cet endroit, forment un toit au-dessus du cours d’eau. Il est presque minuit, les feuillages cachent la voûte céleste. L’obscurité est accrue par cette nuit sans lune. 

Tous les soirs, quand retentit une cloche lointaine qui égrène les douze coups de minuit, une forme blanche, légère et irréelle dérive au gré du courant de la rivière. Elle flotte entre deux eaux. Quelques grillons chantent des amours disparus. Des lucioles, lumignons argentés, accompagnent le passage de ce fantôme blanc. L’hiver, quand la rivière est gelée, la glace se retire pour laisser passer ce lys immaculé qui depuis la nuit des temps passe sous le pont de pierre.

Tous les soirs je quitte le pavillon que je loue pendant l’Été, le bel été. C’est un vestige de l’exposition nationale de 1896 qui se déroulait à Genève. Démonté, il a été reconstruit 150 kilomètres plus loin, au bord du plus grand lac entièrement en Suisse, à l’extrémité d’une plage de galets. La rivière que je remonte chaque soir jusqu’au pont de pierre se jette dans le lac où meurt lentement cette plage de galets, rongée par les vagues. Avant de traverser la plaine, le cours d’eau a creusé des gorges qui, à la belle saison attirent les promeneurs.

Un falot-tempête que je porte à bout de bras me guide sur le sentier qui borde la rivière. Le silence est bercé par une brise légère, quelques hululements d’une chouette (une chouette histoire dixit Le Goût !) qui part à la chasse aux rongeurs inquiètent, les grillons se sont tus. 

Un froissement d’aile, des brindilles qui volent en tous sens, le cris d’un mulot, une tache sombre qui se fond dans le ciel noir, les respirations reprennent, la souris compte ses petits, le concert des grillons redouble d’ardeur, la nuit sera douce.

Je pose le falot-tempête sur le parapet du pont en pierre. L’eau sombre glisse, saupoudrée d’étoiles, vers les eaux saumâtres du lac.  
Un silure inspecte les lieux puis l’ombre blanche passent, ses voiles blancs font comme une traîne. Je jette une tresse de fleurs qui s’accroche à son bras. Je murmure « Je t’aime Ophélie ». 

Les rumeurs de la ville chuchotent que ce vieillard qui bat le pavé de sa cane, tard dans la nuit, passait les Étés, les beaux étés de sa jeunesse dans un pavillon au bord du lac. On raconte l’avoir vu à minuit sur un pont en pierre parlant tout seul. Un berger qui gardait un troupeau de moutons dans la plaine ajoute qu’il aurait entendu prononcer le prénom d’une jeune femme, mais c’est si lointain cette histoire il a oublié. Il se dit qu'un fantôme en forme de lys passe sous le pont de pierre. Des poètes en parlent dans des textes énigmatiques.

Parfois des fêtards se postent sur le pont en pierre à minuit. Ils braillent, ils pissent dans l'eau sombre debout sur le parapet. Tout se fige de stupeur dans ces instants de désordre. La troupe repart, bruyante et hilare, l'un d'eux trempé est tombé dans la rivière.  Ils n'ont pas vu de fantôme, personne n'a jamais rien vu.

Si l'on s'approchait du vieillard qui, toutes les nuits arpente la ville en cherchant désespérément un pont dans cette ville désertique, et que l'on collerait son oreille contre ses lèvres qui bouge sans fin, on l'entendrait murmurer ...
« Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre, le soir, une voix qui m’appelle par mon prénom, dans la rue. »

12 février 2019

Les mois d'hiver - La caserne

Hier après-midi et hier soir, Canalblog avait disparu des écrans radar. Impossible de consulter les blogs et pas d'accès à l'envers du décor. Il m'étais donc impossible de poster mon devoir du lundi. Il semble que ce mardi matin, la liaison soit rétablie...

Nota bene: le vendredi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style.Lakevio, c'est à cette adresse: (ICI)

 

Dix mots à caser, histoire de trouver des serrures à ces clés...

Tardivement

Symphonie

Eclat

Bordure

Ergot

Influence

Grenat

Correct

Fracasser 

Parloir

 

Ouverture, lundi !

La caserne

Un carton, de couleur GRENAT circule dans le PARLOIR de la caserne construite sur une falaise. À force de se FRACASSER contre la paroi de craie blanche, l’océan ronge, grignote, par un ressac incessant, les assises de l’ouvrage militaire. 

Des figuiers de barbarie forment une BORDURE autour de la caserne, fragiles remparts contre l’envahisseur, des hordes de lapins affamés. Un ECLAT de verre, abandonné dans la cour d’honneur, ultime vestige du monocle d’un général, un homme CORRECT, démobilisé depuis de longues années, brille quand le soleil est au zénith. Les jours de beau temps offrent, en fin de journée, une SYMPHONIE visuelle, un camaïeu de rose qui vire au rougeoiement quand l’astre de feu s’enfonce dans l’horizon pour prendre ses quartiers de nuit.  Ce spectacle fugace a une INFLUENCE positive sur le moral de la troupe. 

Cette année, c’est TARDIVEMENT que la nouvelle s’est répandue, novembre est proche, toute la compagnie, réunie dans le parloir retient son souffle. L’énigme, qui permettra à l’un deux de partir en permission, passe de main en main, parmi les hommes en tenue de gala. Un mot unique est écrit sur un rectangle de carton grenat, ERGOT. Celui qui résout ce problème peut choisir entre une grande ou une petite clé. Elles sont accrochées à côté de la porte, la porte que tous espèrent franchir. Une seul clé fonctionne.

Un jeune soldat marche avec détermination dans un long couloir. De lourdes grilles s’ouvrent puis se ferment sur son passage. Dans une de ses poches, roulée  dans un étui, la permission convoitée par tous. Ce jeune soldat est le seul qui a osé retourner le carton sur lequel figurait l’énigme. Un épi de seigle, dessiné à l’encre de chine, côtoyait les contours de la petite clé, esquissée à la mine de plomb. 

Le couloir où chemine la jeune recrue, creusé pendant un siège de la caserne, débouche à mi-hauteur de la falaise, dans un endroit découpé. Un pont permet de passer l’anfractuosité sous lequel se déchaîne l’océan. 

Le visage joyeux du militaire, en une fraction de seconde, devient livide. Le pont en bois, rongé par les intempéries et le sel, a disparu depuis longtemps. Les multiples grilles qui se sont refermées sur son passage s’ouvriront à nouveau lors de la prochaine énigme, dans dix ans.

Une larme ou un embrun coule sur la joue du soldat.


Ergot : Petit corps oblong et vénéneux formé par un champignon parasite des céréales. L'ergot du seigle.

28 janvier 2019

Les mois d'hiver - La Cigale

Nota bene: le vendredi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style.Lakevio, c'est à cette adresse: (ICI)



Aujourd'hui, Lakevio dit:

Je vous propose d'en réécrire l'histoire dans un style différent.

 

Nouvelle, Témoignage, Théâtre, Intrigue policière, Biographie, Conte, Publicité...

 

Ou bien, Compte-rendu sportif, Actualité TV, article de presse ...

 

Vous avez le choix ! 

 

20 heures – Le journal – Laurent D.

Bonsoir.
Une nouvelle de l’ATS*, reprise par l’AFP*, nous apprend que La Cigale, qui a chanté tout l’été, est morte cette nuit. Des videurs de poubelles ont trouvé son cadavre dans un caniveau, près de l’Aar, dans le quartier du Marzili. Il semblerait que le talon d’un pochard ait écrasé la célèbre chanteuse. La Ville fédérale est en état de choc.
Cet été, toute l’Europe a dansé sur les chansons de La Cigale. Ses spectacles affichaient complet et ses prestations télévisuelles affolaient l’audimat.
A l'automne, les réseaux sociaux se sont émus de la déchéance de la chanteuse de charme. La Fourmi, sa productrice, a obligé la Cigale, pour subsister jusqu’à la saison nouvelle, à participer à l’émission « Danse avec les stars », diffusée sur une chaîne privée.
La dépouille de la chanteuse sera rapatriée, par train spécial, à Paris. L’inhumation aura lieu lundi 28 janvier au cimetière du Père Lachaise. La Cigale reposera dans un mausolée de marbre rose, entre Cocteau et Piaf.

L’émotion est grande et tout le monde affiche #Je suis Cigale.



*ATS, Agence télégraphique suisse (ICI)
*AFP, Agence France-presse (ICI)

23 juillet 2018

Un été sans fin - Le bain, carte postale

Nota bene: le vendredi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style.Lakevio, c'est à cette adresse: (ICI)
Tracey Sylvester Harris_Luscious_Swim

 Tracey Sylvester Harris

Votre histoire devra être "étoffée" autour de la phrase suivante :
"Ah ! qui n'a pas eu envie d'un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce qu'est un bain de mer pris le matin en Méditerranée."
C'est Marguerite Duras qui nous le dit, dans Le marin de Gibraltar (1952).

 Splash et Tchin, lundi !

LE BAIN, CARTE POSTALE

"Ah ! qui n'a pas eu envie d'un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce qu'est un bain de mer pris le matin en Méditerranée."
Elle quitte quelques instants les pages du livre qu’elle lit. Cette image d’un pastis après un bain de mer s’insinue en elle. On est au coeur de l’été, d’un été sans fin. Ce dimanche de juillet, la température est basse. Dans son tube, le mercure indique 24 degrés centigrades. Les météorologues prédisent toutefois de fortes chaleurs pour la dernière semaine de juillet. Le ciel est chaotique en ce milieu d’après-midi. Les nuages, pressés de gagner le sud, là, où le temps dure longtemps, forment d’immenses bouchons qui masquent le soleil. 

La lectrice, allongée sur une serviette de bain, reprend la lecture du roman qui donne envie de déguster un pastis. Elle a abandonné l’idée de se précipiter au restaurant de la plage. Ici, on carbure à la bière, une bière généralement insipide et bon marché.
Le long du chemin au bord de l’eau,  un interminable chapelet de baigneurs se dirige ostensiblement en direction du camping. Ce cortège de chair blanche ou bronzée, véritable défilé de mode à la gloire du maillot de bain, « costume de bain », dans nos régions, germanisme oblige, ce morceau de tissus, savamment disposé, pour cacher ces choses que l’on ne saurait voir, « n’affecte en rien la lectrice plongée dans la lecture d’un roman de Marguerite Duras, « Le marin de Gibraltar ». Elle fait semblant de lire, elle rêve d’un pastis. L’évocation d’un 51, dans ce roman maritime, lui a mis l’anis à la bouche. N’y tenant plus, elle se précipite au restaurant de la plage. Dépitée devant le manque d’audace de la carte des vins et spiritueux, elle opte pour Le Negroni. Un cocktail composé à parts égales de 3 cl de gin, de Campari et de vermouth rouge, capable de faire oublier Marguerite. Après ces effluves alcooliques, la lectrice décide de prendre un bain. L’après-midi est presque écoulée, la belle lumière du soir s’est installée et les baigneurs se font rares. Elle prend le chemin du camping.

Comme tous les soirs, du haut du pont Monbijou, une foule nombreuse tente de voir la lectrice muée en nageuse. Dans une brasse élégante, elle se laisse porter par le courant. Ses longs cheveux noirs flottent dans l’eau verte.
Comme des milliers de baigneurs, elle perpétue la tradition bernoise de la descente l’Aar, depuis le camping jusqu’au Marzili.

A voir ici

16 juillet 2018

Un été sans fin - Le Gimlet

Nota bene: le vendredi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style.Lakevio, c'est à cette adresse: (ICI)

Fernando Saenz Pedrosa 

Elle part !

Peut-être en week-end, peut-être en vacances ? 

Ou juste au bal du 14 juillet...

 Votre avis, lundi !

Dans un shaker rempli à moitié de cubes de glace, verser 6 cl de gin et 4 cl de Rose's lime juice, frapper quelques secondes au rythme d’une samba endiablée et passer dans un verre à martini en retenant les glaçons à l’aide d’une passoire. La passoire qui a servi à réaliser un égoportrait peu de temps avant de concocter un Gimlet. 

En 1953, Raymond Chandler, dans son roman policier « The Long Goodbye » écrit « qu’un vrai Gimlet, c’est une moitié de gin, l’autre moitié de Rose’s Lime et rien d’autre. Cela bat l’apathique martini. »

La légende dit q’Ernest Hemigway se serait damné pour un Gimlet. Peut-être à l’Harry’s Bar à Venise, où Ernest avait sa table...

La gare, construite au milieu de nulle part, entourée de tilleuls et de noyers est en perpétuelle somnolence. Deux quais, face à face, reliés par un passage sous voie peu engagent permettent de gagner la ville, quai 1 ou la mer, quai 2. Il y a longtemps que la compagnie de chemin de fer ne paie plus un chef de gare pour quatre trains par jour. Une billetterie automatique, au logiciel révolutionnaire, propose des billets pour toutes les destinations européennes et même jusqu’à Irkoutsk, en Sibérie orientale, par le transsibérien. La fantaisie des rares voyageurs empruntant cette gare, située en marge de trois bourgs, se limite à la ville voisine. Ils n’ont pas de temps à perdre au bord de la mer à étaler leur chair blanche sur des serviettes de bain, le corps enduit de gras, et d’attendre un rôtissage à point, en se retournant tous les quarts d’heure.

Ce lundi matin, lendemain de la finale du championnat du monde masculin de balle au pied 2018, finale remportée par les Bleus, ce qui a fortement agité l’Hexagone, ce lundi 16 juillet donc, quelques jours avant le 49e anniversaire du premier alunissage de deux hommes, sur l’astre des sélénites, à bord d’un engin extravagant, le LEM (Lunar Excursion Module) dans un lieu propice à la baignade, la mer de la Tranquillité, une seule passagère attend le train. Une jeune fille de seize ans, vêtue d’une robe couleur du ciel en été, d’une jaquette en coton d’un bleu nocturne et chaussée de ballerines noires. Elle tient un sac en jean enjolivé d’une pièce en cuir.

Le train, composé d'un wagon de 1re classe, de deux wagons de seconde classe et d'une motrice fourre-tout s'arrête brièvement en gare. La jeune fille saisit un sac posé sur le quai, son bagage et, à peine installée, le convoi s'ébranle pour la ville.

Ce n'est que plusieurs heures plus tard, alors que la jeune fille, à bord d'un aéronef, immatriculé HB-666 volant vers l'Amérique, que l'on découvre, Au Grand Hôtel, la disparition du précieux cahier de recettes des cocktails. La recette secrète du Gimlet y figure, on vient de loin déguster cette splendeur...

Le cahier, soigneusement emballé, est dissimulé dans le sac de la jeune fille qui part faire fortune en Californie.

La gare est déserte. Un chat se chauffe au soleil. Le prochain train est annoncé à l'heure de la belle lumière du soir... C'est l'été, l'été sans fin...

 

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- Mais... c'est l'intervention de cette grosse femme... C'est un ptit peu... enfin... ça va très loin.
- C'est là que je me rends compte que malheureusement, je vous ai beaucoup moins bien réussi que le porc.

Pierre et Thérèse.
Le père Noël est une ordure 

 

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