Un été sans fin - Le Gimlet
Nota bene: le vendredi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style.Lakevio, c'est à cette adresse: (ICI)
Fernando Saenz Pedrosa
Elle part !
Peut-être en week-end, peut-être en vacances ?
Ou juste au bal du 14 juillet...
Votre avis, lundi !
Dans un shaker rempli à moitié de cubes de glace, verser 6 cl de gin et 4 cl de Rose's lime juice, frapper quelques secondes au rythme d’une samba endiablée et passer dans un verre à martini en retenant les glaçons à l’aide d’une passoire. La passoire qui a servi à réaliser un égoportrait peu de temps avant de concocter un Gimlet.
En 1953, Raymond Chandler, dans son roman policier « The Long Goodbye » écrit « qu’un vrai Gimlet, c’est une moitié de gin, l’autre moitié de Rose’s Lime et rien d’autre. Cela bat l’apathique martini. »
La légende dit q’Ernest Hemigway se serait damné pour un Gimlet. Peut-être à l’Harry’s Bar à Venise, où Ernest avait sa table...
La gare, construite au milieu de nulle part, entourée de tilleuls et de noyers est en perpétuelle somnolence. Deux quais, face à face, reliés par un passage sous voie peu engagent permettent de gagner la ville, quai 1 ou la mer, quai 2. Il y a longtemps que la compagnie de chemin de fer ne paie plus un chef de gare pour quatre trains par jour. Une billetterie automatique, au logiciel révolutionnaire, propose des billets pour toutes les destinations européennes et même jusqu’à Irkoutsk, en Sibérie orientale, par le transsibérien. La fantaisie des rares voyageurs empruntant cette gare, située en marge de trois bourgs, se limite à la ville voisine. Ils n’ont pas de temps à perdre au bord de la mer à étaler leur chair blanche sur des serviettes de bain, le corps enduit de gras, et d’attendre un rôtissage à point, en se retournant tous les quarts d’heure.
Ce lundi matin, lendemain de la finale du championnat du monde masculin de balle au pied 2018, finale remportée par les Bleus, ce qui a fortement agité l’Hexagone, ce lundi 16 juillet donc, quelques jours avant le 49e anniversaire du premier alunissage de deux hommes, sur l’astre des sélénites, à bord d’un engin extravagant, le LEM (Lunar Excursion Module) dans un lieu propice à la baignade, la mer de la Tranquillité, une seule passagère attend le train. Une jeune fille de seize ans, vêtue d’une robe couleur du ciel en été, d’une jaquette en coton d’un bleu nocturne et chaussée de ballerines noires. Elle tient un sac en jean enjolivé d’une pièce en cuir.
Le train, composé d'un wagon de 1re classe, de deux wagons de seconde classe et d'une motrice fourre-tout s'arrête brièvement en gare. La jeune fille saisit un sac posé sur le quai, son bagage et, à peine installée, le convoi s'ébranle pour la ville.
Ce n'est que plusieurs heures plus tard, alors que la jeune fille, à bord d'un aéronef, immatriculé HB-666 volant vers l'Amérique, que l'on découvre, Au Grand Hôtel, la disparition du précieux cahier de recettes des cocktails. La recette secrète du Gimlet y figure, on vient de loin déguster cette splendeur...
Le cahier, soigneusement emballé, est dissimulé dans le sac de la jeune fille qui part faire fortune en Californie.
La gare est déserte. Un chat se chauffe au soleil. Le prochain train est annoncé à l'heure de la belle lumière du soir... C'est l'été, l'été sans fin...