176e devoir du Goût de Lakevio
La consigne
Après Anne-Françoise Coulomy et ses portes dont on se demande toujours où elles mènent ou ce qu'elles cachent, voici Fernando Saenz Perdrosa et ses attentes d’un train qui mènera je ne sais où pour rejoindre je ne sais quoi ou échapper à je ne sais qui.
C’est toute l’histoire de « Le je ne sais quoi et le presque rien ».
A vous, et à moi, de jouer d’ici lundi…
Aujourd’hui, nous évoquerons « Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien » de Vladimir Jankélévitch avec la philosophe…
Elle coupa la radio de bord. Ils s’embrassèrent langoureusement. Ils avaient passé la fin de semaine dans un gîte sur un plateau balayé par de puissants vents d’arrière-automne. Ils avaient redéfini le kamasoutra plutôt que de battre la campagne dans la tempête. Ce premier dimanche de novembre s’achève sous des averses glaciales. En début de soirée un bulletin météorologique spécial annoncera des températures négatives pour la nuit.
Elle quitta l’habitacle en agitant la main, il lui fit un clin d’œil. La Ford Galaxie disparu dans le virage au loin. Elle gagna le quai de la gare de X. La pluie avait laissé ses empreintes sur le béton du quai. Dans les flaques, le ciel, morne, bas et gris se reflétait. Dans l’une d’elle, la fine silhouette de la voyageuse oscillait au gré de minuscules vagues provoquées par les pattes d’un chat, un chat qui s’était aussitôt fondu dans la brume naissante. Pour échapper à l’averse, elle se tenait sous parapluie gris. Un imperméable sanglé à la taille par une ceinture élançait son corps vers le ciel. Un sac à main pendait à sa main gauche, son bagage abandonné derrière elle prenait la pluie.
Tout à l’heure, en quittant le gîte, elle avait constaté la perte de la ceinture de son pardessus. Ceinture qu’un des rares voyageurs fréquentant la gare de W. avait accrochée à la rambarde du sous-voie. Mal fixée, la lanière d’étoffe s’était égarée sur le quai, vendredi, quand le train l’avait déposée dans cette station au milieu de la campagne et qu’elle avait couru à son rendez-vous.
Une locomotive tirant trois wagons avançait sans peine malgré la pluie, un vent léger, une brume grandissante. Le halo des phares de la motrice se faisait de plus en plus précis. Quand le train entra en gare, elle arracha le sac de voyage du sol et se précipita en bordure de quai. Le machiniste actionna le sifflet de la locomotive…
Il alluma la radio de bord.
Une jeune femme a été trouvée morte sur le quai de la gare de W. ce lundi matin. Elle serait morte de froid indique la police. Une autopsie est ordonnée et une enquête ouverte. Les enquêteurs sont intrigués par la présence de cette femme dans ce lieu. La gare est désaffectée depuis la fermeture de la ligne il y a quinze ans…