Il automne - C'est la fête !
Feuilles d'automne
200ème Devoir de Lakevio du Goût.
Une photographie, un peu jaunie, des participants au devoir du lundi datant de l'été 2016 est accrochée ICI, pour l’éternité…
La consigne :
Je suis sûr qu’il y a chez chacune et chacun de vous une endroit qui, bien qu’il ait peu changé a subi un changement qui, pour petit qu’il soit, a modifié grandement votre perception de l’endroit où il a eu lieu.
Et je suis tout aussi sûr que vous mourez d’envie de le raconter.
Il en va ainsi chez moi du square Nadar, en haut de la Butte Montmartre, qui a vu arriver un élément de façon étrange depuis que je suis entré en sixième au lycée situé en bas de la Butte.
L’état de quasi ruine du lycée montre qu’on accorde plus d’importance à l’état d’un minuscule recoin d’un square inconnu que d’un établissement chargé d’amener les jeunes gens aux sommets des savoirs de l’humanité…
Bon, il faut admettre que le haut de la Butte est plus rentable grâce aux touristes que le lycée grâce aux élèves…
J’espère donc lire lundi « l’effet papillon » que de petits changements produisent sur votre vie…
Ma nonante-cinquième participation :
Le brouillard monte de la vallée, envahit les hauteurs du village et d’étranges arabesques dissimulent l’Augstmatthorn. Le petit village dans les montagnes, accroché au flanc des Préalpes, à plus de 1000 mètres, grelotte. Le gardénia est rentré depuis quelques jours, la crudité du brouillard, les chutes de neige précoces, le gel, toutes ces fantaisies hivernales l’importunent.
L’aiguille à la pointe de saphir tombe avec lenteur dans le sillon d’un vinyle qui tourne à 33 tours ½ par minute, l’andante de la Symphonie n° 101 en ré majeur, « L’horloge », de Joseph Haydn résonne dans l’appartement dépouillé des ses gravures et de la quasi-totalité des meubles. Adam Fischer dirige l’orchestre de chambre danois.
L’appartement presque vide ressemble à une installation de Pipilotti Rist. La planche à repasser fait office de table, un fauteuil à oreille sorti d’un roman de Thomas Bernhard, fauteuil douillet d’où l’on scrute le monde en fixant un écran aux pixels délavés, occupe le milieu du salon/salle à manger/cuisine (tout communique). Un déménagement au long cours, un amas de cartons là-bas, une pile de malles ici, nous permet de pratiquer le camping d’appartement.
Les pianos à queue qui obstruent les salons deviennent des casse-têtes lors d’un déménagement. Ici, c’est le télex qui donne du fil à retordre, il faudra le débrancher à la dernière minute. C’est par télex que la consigne du devoir du lundi à atterrit sur la planche à repasser.
À la tombée de la nuit, quand le givre s’agrippe sur l’extérieur des vitres et forme d’étranges arabesques hippopotamesques, je songe à préparer une brisolée pour le souper.
La brisolée est une spécialité culinaire du Valais. Les terres acides du Bas-Valais permettent la culture de la châtaigne. En automne les restaurants de Martigny, de Fully et bien au-delà affichent complet. Les convives se pressent pour déguster une brisolée. Les châtaignes grillées sont présentées dans leur bogue. Des charcuteries, du fromage, du raisin, des pommes, du pain de seigle accompagnent ce plat traditionnel. La brisolée vient du mot patois « brejoïeu » signifiant cuit sur la braise.
En entaillant les châtaignes, le souvenir d’un voyage dans une île me revient en mémoire. L’opération entaille demande de la concentration, un oubli et un crépi de châtaigne recouvre les parois du four. La châtaigne est un fruit explosif.
Un bateau des années 1950 relie l’île et le continent au gré des marées. On se déplace à pied, un chemin de randonnée y fait le tour. De rares voitures circulent. Sur la côte sauvage une crique abrite un petit port de pêche. Il est surplombé par un café minuscule, trois tables. A travers les fenêtres on entend le vent, la tempête. Quelques bains de mer sur la côte sous le vent. Et le soir en rentrant à l’hôtel, ces sardines poêlées au beurre servies en entrée, on en parle encore…
C’est tous ces souvenirs que nous allons retrouver septembre 2015.
En arrivant sur le quai la baraque qui sert de salle d’attente et de vente des billets pour la traversée est remplacée par une gigantesque gare maritime. En montant à bord du vieux chalutier des années 50 nous pénétrons dans un ferry à deux ponts. Une file de voitures patientent pour embarquer. En arrivant au port de l’île, à la tombée de la nuit, j’écarquille les yeux. Le restaurant a fait des petits, les terrasses sont bondées, les voitures engorgent la place, le silence a disparu. L’hôtel année 1930, remplacé par une bâtisse morne nous sert des sardines pleines d’amertume. En parcourant l’île nous découvrons des arrêts d’autobus. Deux lignes, pour éviter la fatigue aux touristes, ont été créés. Nous trouvons difficilement des places dans le petit bar surplombant le port de pêche. Reconstruit plus grand, il est plein. Nous nous réfugions dans un coin de l'île peu exploré pour digérer ces chocs. 1992, 2015, il n’y aura pas de 2038 à l’île d’Yeu, c’est décidé !
Adieu Charles !